Le 16 juillet 2024
Cette première œuvre de fiction au cinéma de Sandhya Suri fait froid dans le dos dans la dénonciation qu’elle exerce sur la conditions féminine d’une part, le système de caste indien et surtout les manières expéditives de la police.
- Réalisateur : Sandhya Suri
- Acteurs : Shahana Goswami, Sanjay Bishnoi, Sunita Rajwar
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Indien
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 2h00mn
- Âge : Interdit aux moins de 12 ans
- Date de sortie : 17 juillet 2024
- Festival : Festival de Cannes 2024
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– Festival de Cannes 2024 : Sélection officielle, Un Certain Regard
Résumé : Une région rurale du nord de l’Inde. Après la mort de son mari, Santosh, une jeune femme, hérite de son poste, comme la loi le permet, et devient policière. Lorsqu’elle est appelée sur le lieu du meurtre d’une jeune fille de caste inférieure, Santosh se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés de la charismatique inspectrice Sharma, qui la prend sous son aile.
Critique : Santosh vient de perdre son mari, un policier, et la tradition administrative veut que les veuves héritent du poste de leur mari décédé avec en sus le versement d’une pension de veuvage. C’est donc sans formation, ni expérience, que la jeune femme entre dans le corps de la police. Elle y découvre des pratiques pour le moins contestables avec des fonctionnaires plus occupés à déjeuner généreusement qu’à résoudre les affaires. La haine contre les policiers est d’ailleurs vivace de la part du peuple qui crie sa colère dans la rue. Mais Santosh ne se décourage pas, persévère au contraire et se retrouve très vite engagée dans une enquête sur le décès et le viol d’une très jeune femme, aux côtés de sa nouvelle cheffe, une femme déterminée, engagée dans la cause féminine, mais aux méthodes absolument pas vertueuses.
- Copyright Taha Ahmad
Santosh est le premier film de fiction au cinéma de Sandhya Suri. Elle vient de la télévision et a derrière elle deux documentaires. On ressent vraiment cette approche du docu-fiction dans la manière qu’elle a d’embarquer sa caméra au cœur même des villes, dans des quartiers populaires qu’elle semble connaître sur les doigts de la main. La réalisatrice n’a pas froid aux yeux, filme une réalité brutale, sans concession, prenant le risque de la critique des autorités indiennes. Elle fustige une société qui entretient des clivages entre certaines castes qui continuent d’avoir quasiment le droit de vie et de mort sur les individus et particulièrement les filles, et d’autres qui ne comprennent que des pions au milieu de l’immense population indienne. On ressent un film très écrit, très documenté, et les comédiens eux-mêmes prennent le risque d’incarner des fonctionnaires de police qui, pour une grande part, ne se questionnent pas sur les méthodes d’investigation et, pour une minime partie, tentent de s’arranger avec l’horreur. La corruption, le désintérêt de la police pour son peuple, et le mépris des classes dominantes pour les pauvres constituent le deuxième pilier de dénonciation dans le film.
Santosh est un âpre, violent et ne cherche pas à protéger son spectateur. Tous les dysfonctionnements de la société indienne sont étalés devant l’écran, avec leurs conséquences lourdes en matière d’exclusion et de non-partage des richesses. En ce sens, ce cinéma indien éclaire le paradoxe économique des pays émergents où demeure une misère endémique et un rapport à la démocratie plus que douteux. On pense aux évènements récents de l’actualité qui faisaient montre d’un ensemble de viols commis sur des femmes, sans que les autorités ne prennent la mesure de ces faits graves. Ici, les femmes policières, faute d’une justice ordonnée, exercent leurs propres condamnations des garçons ou des hommes accusés d’attouchements en les humiliant en pleine place publique ou en encourageant les victimes à frapper leurs harceleurs. En même temps, Sandhya Suri laisse planer le doute avec une très grande lucidité sur une société moralisatrice qui voit dans chacune des tentatives de séduction d’une femme, des accusations de harcèlement.
- Copyright Taha Ahmad
Sandhya Suri a le mérite d’être une femme, ce qui lui confère l’autorisation de dénoncer d’un côté les comportements plus que machistes d’une certaine catégorie d’hommes, et de l’autre côté de mettre en avant les excès de moralisation de la société indienne. Elle semble mettre en lumière l’exclusion qui pèse particulièrement sur les populations musulmanes, a fortiori dans le contexte actuel mondial de polarisation du fait religieux. Mais sur ces aspects, elle reste nuancée et prudente, là où elle se lâche complètement sur la brutalité de la police de son pays. On se demande toutefois pendant une grande partie l’intérêt de filmer un pays aussi noir, aussi bruyant. Il faut saluer l’interprétation de l’actrice principale, Shanana Goswami, qui assume d’un bout à l’autre la figure contrastée d’une jeune policière pétrie de questionnements éthiques.
Santosh mérite véritablement d’être vu par le plus grand nombre. C’est aussi l’occasion de découvrir un cinéma d’auteur indien, peu ou mal connu en Europe, et de réfléchir aux enjeux de progrès social qui continuent de peser sur une majorité des pays dits émergents.
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