Le 6 mars 2022
Ni vraiment documentaire, ni vraiment œuvre de fiction, Sans frapper est un film hybride et mystérieux qui redonne la dignité perdue à toutes les femmes ou les hommes qui ont subi le viol et qui offre un éclairage puissant sur la mécanique de la violence sexuelle.
- Réalisateur : Alexe Poukine
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Belge
- Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 9 mars 2022
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Résumé : Ada a dix-neuf ans. Elle accepte d’aller dîner chez un garçon qu’elle connaît. Tout va très vite, elle ne se défend pas. Son corps est meurtri, son esprit diffracté. Le récit d’Ada se mélange à ceux d’autres, tous différents et pourtant semblables. La même sale histoire, insensée et banale, vue sous différents angles.
Critique : C’est une femme qui n’arrive pas à commencer son récit. Elle sourit. Elle prend sa respiration à plusieurs reprises. Puis, enfin, elle raconte à la caméra le destin d’une toute jeune femme de dix-neuf ans qui a subi le deuil amoureux puis la violence sexuelle. Sans frapper donne la parole à des femmes différentes mais en réalité, elles dressent le même récit, celui de cette femme peut-être imaginaire, Ada, qui s’est construite dans le délabrement physique et émotionnel.
- Copyright La Vingt-Cinquième Heure
Alexe Poukine n’aborde pas de front la question du viol. Elle distribue la parole à plusieurs femmes, des comédiennes sans doute, des hommes aussi. La mise en scène, l’écriture assument une forme de sublimation du récit autobiographique dans une longue et belle pagination littéraire. Les témoignages s’intègrent dans un plan fixe où le rythme des mots, la portée volontairement aérienne des phrases choisies apportent à ces portraits féminins ou masculins une dimension proprement spirituelle. Les personnages deviennent des figures de roman, qui, à la suite de la première violence sexuelle subie, composent une féminité complexe. On ne sait pas si elles se racontent, ou si elles mettent en scène le récit possible d’une féminité avortée. La réalisatrice elle-même participe au dialogue, interrompt la parole, reformule les propos, comme si, soudain, le véritable drame du film était celui d’Alexe Poukine elle-même.
- Copyright La Vingt-Cinquième Heure
Il faut se laisser embarquer par le mystère de la forme du documentaire. Parfois, certaines postures ou récitations peuvent agacer le spectateur, dans la mesure où elles cultivent l’ambiguïté du récit de ces femmes. Le plus intéressant apparaît dans les méta-commentaires qu’elles apportent au texte contraint que la réalisatrice leur a fourni. La vérité de ces femmes meurtries devient centrale quand elles oublient le texte lu, et donnent la voie à leur intimité. Le film refuse l’apitoiement. Il offre sur l’écran des visages dignes, apaisés, qui ont recomposé leur histoire grâce au souvenir que le texte écrit pour le film a fait émerger. Sans frapper témoigne de la portée résiliente de l’art et de la possibilité de devenir soi même après le pire. De même, le film parle des auteurs de viol ou de violences conjugales, à partir des témoignages de ces femmes ou de ces hommes. A ce moment, le film prend une tournure absolument remarquable. On comprend alors toute la complexité de la sexualité qui mêle indifféremment plaisir, douleur, culpabilité, ratages et réussites. Chacun devient alors un potentiel auteur ou une potentielle victime de viol.
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