Le 13 novembre 2018
Amanda Kernell ne se contente pas de nous faire don d’une réflexion bouleversante sur un colonialisme méconnu. Elle en profite pour clamer son admiration pour ceux qui ont l’incroyable capacité de couper tout contact avec leur culture et leur histoire.
- Réalisateur : Amanda Kernell
- Acteurs : Lene Cecilia Sparrok, Mia Erika Sparrok , Maj Doris Rimpi, Julius Fleischanderi
- Nationalité : Suédois, Norvégien, Danois
- Distributeur : Bodega Films
- Durée : 1h50mn
- Titre original : Sami Blood
- Date de sortie : 14 novembre 2018
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Résumé : Une vieille dame accompagne son fils en Laponie, terre de ses origines, au nord de la Suède, pour l’enterrement de sa sœur. Elle n’a aucune envie de renouer avec sa famille et sa communauté, qu’elle a quittées très jeune. Les souvenirs des humiliations subies, adolescente, lui reviennent en mémoire. Après avoir changé d’identité pour échapper à un destin trop étroit, le rejet de ses origines lui apparaît soudain comme un mensonge à elle-même.
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- © 2018 Bodega Distribution. Tous droits réservés.
Notre avis : Si la plupart des pays européens n’ont jamais caché leur goût pour la colonisation, l’Europe du Nord est toujours restée discrète sur le sujet. Il existe peu de témoignages sur les Samis (le terme de "lapon", jugé trop péjoratif, est désormais proscrit), ce peuple d’éleveurs de rennes, réparti entre Norvège, Suède, Finlande et Russie qui, suite à des modifications de frontières et à des vagues de colonisations, a perdu une grande partie de son territoire et vu ses droits s’amoindrir. Au début du vingtième siècle, ils sont considérés comme une population arriérée. Il faudra attendre les années 70 pour que la Norvège leur accorde le statut de « peuple indigène de Norvège ».
Pour son premier long-métrage, la jeune réalisatrice Amanda Kernell choisit de soulever un pan obscur de l’Histoire de son pays en déroulant sans badiner le parcours difficile et courageux d’une jeune femme qui choisit de renoncer à son identité culturelle au profit de son identité personnelle. C’est pourquoi même à l’occasion des obsèques d’un membre de sa famille, elle refuse d’évoquer le temps où elle s’appelait Elle Marja.
- Copyright Bodega Films
Un long flash-back qui constitue la majeure partie du film retrace, à coups d’images abruptes et de regards implicites ces douloureuses années 30 où, à l’âge de 14 ans, la jeune fille voit dans l’obligation qui lui est faite de rejoindre le pensionnat : une chance d’émancipation et de totale appartenance à la nation suédoise. Elle Marja (merveilleusement interprétée entre colère rentrée et farouche détermination par la jeune Lena Cecilia Sparrok) est une jeune fille vive, éprise de connaissance et de liberté. Quotidiennement, elle subit les insultes des enfants suédois qui se moquent de ses habits traditionnels, de sa petite taille et de son mode de vie. Pour pouvoir vivre en paix, elle n’imagine alors pas d’autre solution que de rejeter en bloc ses origines. Elle commence par changer de prénom, et choisit de s’appeler Cristina, le prénom de cette enseignante grande et blonde qui, malgré les qualités intellectuelles évidentes de son élève, refuse de l’aider à continuer ses études sous prétexte que les Samis sont reconnus cérébralement inférieurs.
- Copyright Bodega Films
S’appuyant sur une mise en scène classique convenant parfaitement à un récit sans fioritures dont le but n’est pas de s’appesantir sur le paradoxe à vouloir faire partie d’une communauté qui vous dénigre mais bien plutôt de pointer du doigt la discrimination infligée à ce peuple ostracisé, la réalisatrice multiplie les scènes choc parmi lesquelles cette humiliante visite anthropologique où, un scientifique note les caractéristiques faciales des enfants tandis qu’un photographe réalise des clichés de leur nudité, les ramenant sans état d’âme au statut de bétail humain.
La caméra se concentre sur cette fascinante héroïne et nous installe dans une absolue complicité de manière à suivre pas à pas cet apprentissage semé d’embûches pour devenir enfin une citoyenne suédoise à part entière.
En explorant un épisode inédit de l’Histoire suédoise, Amanda Kernell propose une réflexion universelle pleine d’empathie et d’émotion sur l’incurabilité des déchirures morales subies par ceux qui, face à une situation extrême, n’ont d’autre choix que renoncer à leur identité d’origine, pour s’assurer une vie meilleure.
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