Retrouver l’équilibre
Le 24 novembre 2014
Salto Mortale, le premier documentaire de Guillaume Kozakiewiez pour le cinéma, ou le portrait habile et respectueux d’Antoine Rigot, un homme qui réapprend l’usage de son corps, un artiste en train de repenser son art.
- Réalisateur : Guillaume Kozakiewiez
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Suisse
- Date de sortie : 26 novembre 2014
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Salto Mortale, le premier documentaire de Guillaume Kozakiewiez pour le cinéma, ou le portrait habile et respectueux d’Antoine Rigot, un homme qui réapprend l’usage de son corps, un artiste en train de repenser son art.
L’argument : En 2000, Antoine Rigot, funambule virtuose, est victime d’un accident de la vie. Plutôt que de s’éloigner de la scène, son corps blessé l’incite à devenir à la fois l’objet et le sujet de ses spectacles. Renaît peu à peu le désir de flirter avec l’équilibre. Chute et renaissance d’un funambule, humble et courageux.
Notre avis : D’emblée, les plans serrés mettent l’accent sur le corps d’Antoine Rigot, que le spectateur découvre par fragments. Les pieds, marchant non pas sur un fil, mais sur le sol, puis le buste, très athlétique mais progressant dans l’espace avec hésitation et avec une certaine pesanteur. Le corps est là, présent à l’image dans toute sa matérialité, presque palpable. Le spectateur devra attendre quelques plans avant de voir le corps du funambule en entier, mis à l’épreuve de la frustration de ne pouvoir déplacer son regard à sa guise, restreint par le cadrage. C’est peut-être pour nous faire ressentir un aperçu de cette entrave dont Antoine Rigot a fait l’épreuve après son accident que le réalisateur, Guillaume Kozakiewiez, fait un tel usage du gros plan dans les premières scènes de Salto Mortale. En filmant ce corps, fragmenté, involontairement vacillant, mais emprunt d’une force et d’une grâce stupéfiantes lorsqu’il se retrouve sous les projecteurs de la scène, le réalisateur montre le combat quotidien d’un homme pour se retrouver, pour se réapproprier son corps, mais également le travail acharné d’un artiste funambule pour continuer de créer malgré son handicap.
© Zeugma Films
Accompagnés par une musique originale discrète, délicate, composée et interprétée par Sara Oswald et Jérémie Elis, les progrès physiques du funambule se trouvent ponctués par quelques extraits de spectacles précédents l’accident. L’habileté des montages visuel et sonore écarte cependant tout élan mélancolique vers le passé et c’est sans nostalgie qu’Antoine Rigot évoque ses anciennes performances. Au plus près de son sujet, Salto Mortale dresse le portrait d’un homme regardant résolument vers l’avenir. Le réalisateur aura également su capter la complexité du personnage qu’il filme dans le doute, emprunt d’une grande modestie, lorsqu’Antoine Rigot s’exprime devant la caméra, hors de la scène.
Le documentaire, en présentant des extraits du spectacle Sur la route… (créé et interprété par Antoine Rigot assisté de Cécile Kohen en 2009), en montrant la conception du spectacle Le Bal des intouchables, témoigne de la difficulté de créer avec un corps brisé mais aussi de la difficulté de parler de ce corps. La collaboration de la compagnie Les Colporteurs - fondée par Antoine Rigot et Agathe Olivier, sa compagne - avec d’autres artistes circassiens à l’occasion de ce spectacle va permettre à l’artiste d’aller plus loin dans l’exploration du mouvement et d’adopter d’autres perspectives sur son travail et sur son corps : risques contrôlés, contacts avec d’autres corps qui le portent - parfois littéralement - vers de nouveaux horizons. C’est une recréation de soi que le spectateur entrevoit, lent processus également emprunt de tensions et de peurs.
© Zeugma Films
Le documentaire de Guillaume Kozakiewiez montre intelligemment qu’Antoine Rigot n’est pas dans le déni de son handicap lorsqu’il essaye de remonter sur le fil, mais précisément qu’il vit une autre pensée du handicap, loin de l’immobilité à laquelle semblait l’assigner son accident. La joie de se mouvoir éprouvée par le funambule, celle de se tenir de nouveau debout sur un fil avec l’aide de béquilles spécialement conçues pour l’occasion, le spectateur la ressent grâce à la proximité que le réalisateur aura su trouver avec son sujet. Evoquant l’« intelligence animale » qui l’anime, l’artiste exprime la confiance qu’il garde en son corps, en sa capacité instinctive de réaction et de réponse aux diverses sollicitations. Le dernier plan du film, empreint d’une certaine sérénité, montre Antoine Rigot sortant de l’eau avec ses béquilles, cette eau dans laquelle il avait eu auparavant son accident. La pesanteur de ce corps sortant de l’eau et filmé en caméra portée, instable, rappelle au spectateur la volonté avec laquelle l’artiste est toujours, constamment, en train de reconquérir l’usage de son corps. Le voyage n’est pas fini et la marche du funambule continue inlassablement dans l’effort.
© Zeugma Films
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