Retour à Gorée

Exceptionnel road-movie sur l’histoire musicale de l’esclavage et magnifique portrait de l’artiste Youssou N’Dour, Retour à Gorée est un concentré d’émotion et de talent.

L’argument : Voyage musical de l’Afrique vers l’Amérique, sur les traces du chanteur sénégalais Youssou N’Dour, à la rencontre des rythmes musicaux nés de l’esclavage. Son ultime but : chanter un répertoire jazz dans l’une des îles du continent africain qui symbolise la traite négrière, Gorée.

Notre avis : Gorée : terre de douleur dans la seconde moitié du 18e siècle où l’Afrique perdit nombre de ses enfants pour les contrées lointaines de l’Amérique. De cette douleur éternelle est née une plainte qui s’est transformée en mélodie. L’artiste sénégalais Youssou N’Dour ne pouvait concevoir de frotter son répertoire au jazz sans aller à la rencontre de cette histoire. Le pianiste genevois Moncef Genoud, à l’origine de ce nouveau défi musical, imaginait un album. Youssou N’Dour a voulu un film réalisé par Pierre-Yves Borgeaud. De Gorée, au Sénégal, où ce voyage s’engage avec la bénédiction d’un autre illustre sénégalais, Boubacar Joseph Ndiaye, le conservateur de la Maison des Esclaves, en passant par Dakar, Genève, la Nouvelle-Orleans, Atlanta, New York, le réalisateur relate la rencontre de talents exceptionnels qui partagent, en musique, la douleur d’une histoire commune. Exutoire et témoignage d’un brassage culturel entre les Africains et les populations de leur nouvelle terre d’accueil, l’Amérique, y compris celui peu connu avec les Amérindiens.
Les différentes rencontres artistiques de Youssou N’Dour avec des musiciens comme le batteur Idris Muhammad, la vocaliste Pyeng Threadgill, le choeur gospel Harmony Harmoneers, et le très respecté écrivain et poète Amiri Baraka, figure incontournable de la culture afro-américaine, nourrissent aussi bien un désir artistique qu’une soif de connaissance. Pierre-Yves Borgeaud réalise une oeuvre où aucun détail n’a été négligé, seule la musique est libre de ses mouvements. Résultat : une bande-originale à tomber à la renverse et s’il fallait encore se convaincre du talent de Youssou N’Dour, le doute n’est plus permis. On est bluffé par sa voix, sa capacité à créer et à se fondre dans des univers qui sont habituellement éloignés des siens.
Le documentaire de Pierre-Yves Borgeaud a vocation à avoir une place spéciale dans l’histoire de l’Afrique et de sa diaspora. Il ne prétend pas être exhaustif mais l’émotion et la pertinence des rendez-vous artistiques font de Retour à Gorée une aventure humaine et culturelle à vivre dans les salles obscures. L’émotion est universelle et la diaspora africaine ne saurait rester insensible à ce pan de son histoire portée en musique et en images.