Le 6 juin 2023
Belle et brûlante chronique d’une jeunesse brésilienne qui refuse la violence que la société lui impose, par la talentueuse Júlia Murat.


- Réalisateur : Júlia Murat
- Acteurs : Sol Miranda, Lucas Andrade, Lorena Comparato, Isabela Mariotto, Marcos Damigo
- Genre : Drame, Érotique, LGBTQIA+
- Nationalité : Brésilien
- Distributeur : Wayna Pitch
- Durée : 1h40mn
- Titre original : Rule 34
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 7 juin 2023
- Festival : Festival de Locarno 2022

L'a vu
Veut le voir
Résumé : Simone, étudiante en droit le jour, engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes, et camgirl la nuit, explore les fantasmes masochistes. Le titre se rapporte à la légendaire règle 34 d’Internet stipulant que si quelque chose existe, alors il y en a une version porno.
Critique : C’est peu dire que le cinéma brésilien est encore méconnu en France. Souvent cantonné à quelques classiques (Orfeu Negro du Français Marcel Camus) ou ponctuels coups de poing (la fameuse Cité de Dieu), il fait toutefois entendre depuis quelques années les voix singulières de cinéastes comme Karim Aïnouz ou Kleber Mendonça Filho. Avec son troisième film, Règle 34, la réalisatrice Júlia Murat filme elle avec talent les questionnements et la colère de la jeune génération.
C’est sur le tropique de la violence que le cinéaste géographie son film. Violence d’un appareil policier et judiciaire répressif et abusif, particulièrement pour les populations les plus fragiles et les moins claires de peau, au sein d’une société très stratifiée, au pays du « racisme cordial ». Violence des rapports humains entre les hommes et les femmes, les rôles assignés à chaque genre étant particulièrement circonscrits, étriqués ; le film rappelle à ce titre que le Brésil est le cinquième pays le plus touché au monde par les féminicides.
- © 2023 Wayna Pitch. Tous droits réservés.
À cette brutalité, la jeunesse brésilienne, et l’héroïne du film, Simone (lumineuse Sol Miranda), opposent la fougue et la liberté. Liberté de choisir celui ou celle qu’elle voudra aimer, quels que soient sa couleur de peau ou son histoire. Liberté de s’adonner à des pratiques que des conventions sociales dépassées récusent. Liberté, aussi, de toucher du doigt la violence : mais là encore celle que l’on choisit et non que l’on subit. Jusqu’au point de non-retour ?
Car, quand elle n’étudie pas le droit, Simone est cam-girl et s’adonne à ses fantasmes et ceux de ses followers, autoasphyxie et BDSM en tête. Des scènes d’intimité que la cinéaste saisit sur le vif, jusqu’à l’incandescence. À propos de l’art cinématographique, Jean Cocteau écrivait que cela consiste à « filmer la mort au travail ». Petite cousine brésilienne d’un Kechiche, Júlia Murat fait, elle, exactement l’inverse : elle filme la vie dans toute son ampleur.