White trash à l’anglaise
Le 12 mars 2019
Une peinture grinçante du prolétariat sous l’ère Thatcher, par le photographe Richard Billingham, qui déborde de tendresse pour la classe sociale de son enfance, et qui parvient de ce fait à nous nous interroger sur notre propre relation au passé et à la famille.
- Réalisateur : Richard Billingham
- Acteurs : Ella Smith, Justin Salinger, Patrick Romer, Deirdre Kelly, Sam Gittins
- Genre : Drame, Drame social
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Potemkine Distribution
- Durée : 1h48mn
- Date de sortie : 10 avril 2019
- Festival : Festival de Locarno 2018, Festival Premiers Plans d’Angers 2019
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Résumé : Banlieue de Birmingham dans les années 80. Ray, Liz et leurs trois enfants se débrouillent tant bien que mal dans une existence déterminée par des facteurs qu’ils ne maîtrisent pas. Le photographe et cinéaste Richard Billingham retrace en trois souvenirs et trois époques différentes le quotidien tumultueux de sa famille.
Notre avis : Quiconque a déjà vu les travaux de photographe de Richard Billingham connait déjà ses parents, Raymond et Elizabeth, ainsi que tout le reste de sa famille, puisqu’il a consacré ses clichés les plus connus (mais aussi les plus controversés) à ce que ses proches peuvent avoir de plus disgracieux. Sa reconversion vers le cinéma reste concentrée sur ses souvenirs d’enfance et son cercle familial. Il reste donc toujours aussi difficile de déterminer sa véritable finalité, entre catharsis purement personnelle ou volonté d’ouvrir les yeux à son public sur les affres des classes populaires de la société britannique.
La première partie de son film à sketchs (qui représente en fait une trentaine de minutes scindée entre le début, le milieu et la fin), consacrée à son père vieilli, et devenu aussi grabataire que solitaire, est d’ailleurs un court métrage qu’il a tourné indépendamment deux ans avant les autres – ce que les différences de mise en scène laissent deviner. Cette information nous assure que Richard Billingham a hérité d’au moins une chose de ses parents, à savoir du goût pour les puzzles de sa chère maman.
- Copyright Richard Billingham
C’est dans le sens du détail méticuleusement soigné sur la direction artistique, la gestuelle et la façon de parler des personnages que l’ensemble du long-métrage trouve en fait son homogénéité. Les deux parties situées dans les années 80 ne présentent en effet aucune connexion narrative évidente. La première d’entre elles n’est même qu’une mésaventure anecdotique survenue à son oncle, ne laissant que très peu de place aux autres membres de la famille pour être introduits.
Il saute alors aux yeux que ce qui semble intéresser Billingham est davantage l’espace de vie que se partagent ses personnages que les personnages eux-mêmes. Filmer des acteurs est moins une fin en soi que sa volonté de reconstituer l’appartement dans lequel il a grandi. Les conditions difficiles dans lesquelles il nous raconte avoir vécu sa jeunesse, qu’il s’agisse de la putrescence des murs qu’il magnifie grâce à ses talents de photographe ou l’embarras qu’avaient ses parents à payer les factures, forment une peinture grinçante de ce que pouvait être le prolétariat sous l’ère Thatcher.
- Copyright Richard Billingham
Le dernier acte, situé quelques années après le précédent et qui s’avère être le plus long des trois, se concentre sur Jason, le petit frère de Richard, que l’on observe en train de faire des bêtises. L’âpreté propre au naturalisme avec lequel est filmé ce décor rebutant laisse alors place à une évanescence toute enfantine. Et pourtant, notre regard d’adulte sera régulièrement repris à parti, notamment en voyant ce gamin jouer au bord de la fenêtre. C’est également en suivant cet enfant que ce qui semblait être un parti pris de tourner l’intégralité du film en intérieur va être abandonné. Or, si cela peut sembler regrettable, il apparaît vite que le souvenir que l’auteur garde de la fugue du jeune Jason est indispensable dans ce qu’il tient à nous raconter de sa famille.
- Copyright Richard Billingham
L’apogée émotionnelle du film est en effet la conséquence directe de cet événement. Et la fin du film –qui est donc la fin de la première partie, ça va, vous suivez ? – n’en devient alors que plus poignant encore puisqu’il apparaît que la situation de Raymond et Elizabeth n’a absolument pas changé malgré les années passées. Peut-être ont-ils été des parents contestables, mais en leur rendant ainsi hommage, Billingham s’assure de leur pardonner toutes leurs failles, et en arrive même à nous faire nous interroger sur nos relations avec nos propres aïeux.
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