Le 14 juillet 2019
Entre feria inondée de monde et champs isolés parsemés d’éoliennes, un autiste Asperger se raconte et nous parle. Une nouvelle contribution poignante et salutaire, qui vient essaimer pour la cause. Une avalanche émotionnelle d’une richesse hors du commun !


- Réalisateur : Diego Governatori
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : New Story
- Durée : 1h27mn
- Date de sortie : 2 octobre 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019, ACID 2019

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Résumé : Aurélien est charmant, mais il est tourmenté. Aurélien est volubile, mais il est solitaire. Aurélien se sent inadapté, mais il a tout compris. Aurélien est autiste. Filmé, il a délié sa parole, libérant un chant d’une intensité prodigieuse, un miroir tendu vers nous.
Notre avis : Aurélien Deschamps est brillant, sensible, torturé, épuisé (et parfois épuisant). Au début du tournage (à vue), il y a en lui la tentation vaine du lâcher prise. Il alterne entre flots de paroles et flux saccadés, pour arriver jusqu’à nous. Jets d’émotions ou propos techniquement froids : il oscille entre ces deux dimensions, se rabattant sur l’une, quand l’autre est trop présente. Beaucoup de poésie, de l’humour et des phrases d’une beauté choc : « Je n’ai aucune continuité d’être. »
Dans un dialogue avec le réalisateur, Diego Governatori, se confrontent autisme vécu de l’intérieur et autisme observé, mais Aurélien nous fait aussi un cours (très pédagogique) sur les théories de Lacan (agrémenté de Flaubert, dont il est un spécialiste), plein de force, de violence, de colère intérieure inondée par une grande souffrance. Il synthétise et analyse à la fois, dans un exposé sur le sens de l’existence. Il nous parle de sa conscience d’être différent à l’âge de dix ans, de la sensation autistique d’avoir le corps complètement envahi par une douleur physique, alors qu’elle est très localisée. Puis c’est l’immersion en pleine feria de la San Fermin, à Pampelune, et son lâcher de taureaux. Parasitages sonores, foule monstre, tout le monde s’excite en blanc et rouge. Avec sa chemise noire, il reste les bras croisés. Les bruits de moteurs le rendent fou.
La réalisation est très ingénieuse, agrémentée de symboles et d’images mécaniques, avec une touche psychédélique, pour une mise en scène du son et de ses effets. On voit le sujet et tout ce qu’il y a autour, making of inclus. A l’image d’Aurélien, on assiste à l’incompréhension du taureau qui engendre de la violence, exacerbée par les stimulations et les provocations. La quête perpétuelle de sens contraste avec l’absurdité de certaines traditions. Ca vaut vraiment le coup de s’acharner à vouloir ressembler à de telles personnes, sans autisme ? Aurélien balaye le débat d’un revers d’esprit : oui c’est vital pour pouvoir manger, boire, avoir une vie sexuelle, être humain. C’est un « calvaire d’être un autiste de haut niveau, les névrosés meurent du non-dit, les autistes du trop-dit ». Une quête qui lui semble vouée à l’échec, mais porte ses fruits sans qu’il s’en aperçoive. Toutefois, il ajoute que c’est « dur de ne pas en vouloir au système ».
Il y a souvent chez les autistes ce mélange d’innocence et de sarcasme bienveillant, quand ils parlent du fonctionnement des "sans autisme" qui, parce qu’ils sont les plus nombreux, ont imposé la norme. Il est tout aussi intéressant de regarder la lune que le doigt qui montre la lune. Il n’y a rien d’idiot à cela, quelle folie de le penser.