Poisson rouge - Hugo Bachelet, Clément Vallos, Matthieu Yakovleff - critique

Critique : Dès les premiers plans du film, et l’évasion de la bande de potes du centre spécialisé censé accueillir Guillaume, on comprend ce qui fera la tension dramatique du film : la balance entre impérieuse nécessité de s’enfermer, et désir de liberté.

Avant d’entrer dans ce qu’il considère à chaque visite – ayant oublié la précédente - comme une prison, Guillaume est entouré de ses plus proches amis, qui rappellent qu’un bon film de bande se doit d’être servi par une interprétation de qualité, et rien n’est à reprocher de ce point de vue. Nos quatre larrons, chacun dans leur stéréotype, sont aussi attachants que naturels. La petite originalité du film, dans son écriture, est d’avoir laissé aux comédiens le champ totalement libre à l’improvisation sur le tournage. Ce qui n’aurait pu être qu’un argument de vente ou une facétie sans intérêt participe en fait à toucher le spectateur dans une réalité qu’il connaît, qu’il a vécue ou qu’il s’imagine vivre dans les circonstances du film : le naturel transpire de chaque regard, chaque réplique, à tel point qu’une ou deux légères approximations maîtrisées ponctuent quelques saillies verbales.

© Destiny Films

Le grand paradoxe, dans la narration, et la réussite dramatique du film proviennent de cette sensation de course à la mort, de cette idée tragique que chaque aventure, chaque excès, rapprochent Guillaume de sa fatale condition, et que ses amis, aussi bien intentionnés soient-ils, ne font que l’y pousser. Dès lors, l’identification s’opère à deux niveaux. D’abord, le spectateur se prend à imaginer sa vie organisée comme un perpétuel recommencement, comme Guillaume. C’est le plus évident. Puis il est intelligemment amené à se demander ce qu’il ferait de mieux que ces potes-là, qui n’ont pas prévu grand-chose d’autre que de le divertir, alors qu’il y a peut-être plus important à faire en pareilles circonstances. Le pousser à affronter son père ? À répondre à sa mère ? Comment gérer les derniers jours de liberté d’un ami ?

Bien sûr, le postulat de départ pourrait faire craindre le mélo facile, mais le trio de réalisateurs jauge correctement l’équilibre entre légèreté et dramaturgie, en offrant notamment de jolis parcours à tous les potes de la bande. À défaut de surprendre, la recette se trouve bien appliquée.

© Destiny Films

La mise en scène, convenable, s’agrémente de jolis plans de transition, qui accompagnent ce road trip désuet, en Golf des années 2000. Ces derniers mettent en valeur ces nombreux décors au charme quelque peu désuet, ces forêts et ces recoins perdus, qui empêcheraient presque de dater le film. Avec en renfort des excellents choix musicaux, comprenant en point d’orgue quelques morceaux du duo Ko Ko Mo et leur joli Lil’ Father en ouverture.

Ainsi, Poisson Rouge vise juste, offre un joli moment qui risque toutefois, ce serait un comble, de s’échapper de notre mémoire avec le temps.