Penss et les plis du monde - La chronique BD

Jérémie Moreau n’a peur de rien. Alors que s’est terminée la somptueuse Saga de Grimr, tout juste auréolée d’un Fauve d’Or d’Angoulême, il repart de plus belle avec un album puissant, charnel, perspicace et rêveur tout à la fois. Partir de la guerre du feu pour en faire son opposé, ou son pendant, avec l’élément de la terre, voici son but : montrer l’idée, le projet de dominer la terre, pour faire pousser, s’installer et survivre autrement que par la cueillette et la chasse. Soit le vrai début de l’Histoire, et la fin de la Préhistoire, pour sédentariser l’homme et ses semblables. Autour de Penss se tisse cependant bien plus qu’une histoire d’agriculture, mais bien des enjeux de faim, de famille et de ferveur. Plus qu’une manière, c’est une croyance qui est développée ici, avec des initiations, des inquiétudes, car il faut se préparer à frissonner, de froid et d’effroi, en lisant ces belles pages.

Jérémie Moreau / Delcourt

Belles pages justement, car si le style de Moreau semble désormais se stabiliser dans un coup reconnaissable, c’est cependant par son évolution onirique que se caractérise ce nouvel album. À la fois au contact de la roche et du sol, que ce soit la neige, une grotte ou un ruisseau à détourner, mais aussi terriblement en lien avec le Ciel, l’esprit et le rêve. Et dans ces moments-là, les pages savent se déplier, se courber et s’enlacer bien plus que les cailloux et les arbres ne le permettent. Il faut donc suivre Penss et ses pensées, lui qui évolue dans un monde hostile et pourtant sublime, rêveur devenant acteur, par lequel le dessin évolue et se plie.

Jérémie Moreau / Delcourt

Un regard sur le monde, lointain du passé mais actuel par sa troublante faculté à le faire redécouvrir, voilà ce que propose Jérémie Moreau, bien davantage qu’une fiction préhistorique aux accents sincères et cependant parfaitement crédible.