Payroll (Les gangsters) - la critique du film + le test DVD

Notre avis : Même si la préparation du casse et sa réalisation sont efficaces et minutieuses (Sidney Hayers commença comme monteur et ça se sent), c’est dans la seconde partie que Payroll trouve sa vraie force : en multipliant les personnages et leur intrication progressive, le scénario livre un implacable suspense dans lequel les grains de sable s’additionnent pour aboutir à une issue tragique. Certes, on ne sera pas très surpris du déroulement de l’intrigue, classique, qui renvoie à Huston ou Kubrick sans atteindre la rigueur de leur vision. Néanmoins, la structure éclatée montre une parfaite maîtrise : chaque protagoniste a sa vie, son épaisseur, et leurs croisements donne lieu à des séquences puissantes. Ainsi des deux poursuites nocturnes, dans une rue filmée en clair-obscur excessif ou dans un marais que les phares de la voiture balaient, toutes deux très stylisées, presque trop par rapport au reste du film.

© StudioCanal - Tamasa Distribution. Tous droits réservés.

Mais, outre l’utilisation concrète d’une ville singulière (les ponts, les ruelles, les escaliers, la vue sur la mer), Payroll séduit par ses deux personnages féminins : Katie, qui méprise son mari couard et se jette dans les bras du bandit Mellors, et Jackie, la veuve qui se mue en vengeresse sans pitié. Elles sont fortes voire machiavéliques, l’une étant l’envers de l’autre : à la fidélité amère de Jackie répond la trahison récurrente de Katie. Hayers fait de la française Françoise Prévost un animal érotique comme il excelle à transformer Billie Whitelaw, d’abord mère de famille distraite et dépassée, en une froide machine à détruire. D’ailleurs, la direction d’acteurs est en général brillante, les nombreux personnages étant incarnés avec une sobriété louable, traversée d’éclairs de folie et de violence : on aura rarement vu autant de sueur perler sur des visages, ce qui ajoute à la tension de nombreux passages.
Mais comme tout film noir qui se respecte, Payroll porte également un regard amer sur la société qu’il décrit : la petite bourgeoisie aux rêves trop grands, la famille étouffante, les truands plutôt minables, tous se rejoignent dans une obsession pour l’argent que la fin lapidaire ridiculise, dévoilant l’absurdité qui a présidé à tous les drames et toutes les manigances du métrage. Ce n’est pas le moindre charme d’un film à l’image soigneusement travaillée, habile et haletant comme un vrai bon polar, une série B très légèrement désuète mais efficace en diable.

© StudioCanal - Tamasa Distribution. Tous droits réservés.

Les suppléments :
On retrouve avec plaisir la finesse et le savoir encyclopédique de Charlotte Garson dans le livret dense fourni avec le DVD. Sur la galette elle-même, un historien du cinéma replace le film dans son contexte et salue l’utilisation des décors naturels (6mn) ; trois filmographies partielles et une galerie photos complètent ces bonus, qui enrichissent au total notre appréhension du métrage.

L’image :
Il faut regarder de très près pour noter la présence de micro-parasites en rien gênants. Pour le reste, c’est à dire l’essentiel, un noir et blanc nuancé et contrasté valorise constamment le travail du chef opérateur.

Le son :
La seule piste disponible dispense un son mono clair, même si par moments, un chuintement affecte certaines répliques. Pas de VF.