Paris selon Moussa

Troisième film de l’acteur guinéen Cheik Doukouré, Paris selon Moussa est une fable humaniste sur fond d’immigration. La naïveté du ton et la subjectivité de la narration permettent une analyse décalée du problème des sans-papiers. Mais c’est avant tout l’absence de transmission culturelle qui est au centre de ce long métrage rafraîchissant qui a obtenu le prix Unesco 2003 et le prix d’interprétation masculine au dernier Fespaco.

Moussa Sidibé est un agriculteur respecté d’un petit village de Guinée. La pompe destinée à irriguer les champs de la coopérative, héritage de l’époque marxiste qui a suivi l’indépendance, étant en panne, le conseil villageois demande à Moussa de se rendre en France afin de se procurer un nouvel appareil. Laissant à regret ses trois femmes et ses enfants, il arrive à Paris où le vol d’une partie de son argent le plonge dans une série d’aventures et de rencontres inattendues.

Le Paris de Moussa est loin de celui des cartes postales. La seule visite importante est celle qui lui permettra d’acheter sa moto-pompe. Hors des circuits touristiques il pare au plus pressé afin de retrouver sa Guinée natale. La caméra suit son parcours ; seul le regard de Moussa est pertinent. Face à ce monde si différent du sien, la perplexité domine. Lui qui prône le sens de la famille et l’entraide communautaire est confronté à l’individualisme et à la vénalité occidentale. Ici tout se paye. Les rencontres qu’il fera seront le fruit de cette maldonne.

La naïveté, voire la simplicité du propos alourdissent parfois le film. Mais les auteurs ont su profiter de l’éloignement et du vécu de Moussa pour apporter un éclairage différent sur l’immigration et les sans-papiers. S’il respecte le choix de chacun, il ne peut comprendre une lutte qui en définitive limitera la transmission ancestrale. La richesse d’un pays se trouve dans sa faculté à intégrer son passé à son présent. Les pays occidentaux engloutissent sans vraiment assimiler. La pompe que Moussa recherche est une métaphore du système de vie européen qui aspire l’argent et finalement la vie. La transmission doit être un échange basé sur le respect. Or, aucun de ses deux éléments n’est présent. Les uns rejettent les autres après utilisation tandis que ces derniers fuient une terre qui a besoin d’eux pour se développer. L’expérience des occidentaux est certainement bénéfique aux Africains mais elle doit être intégrée à leur propre culture.

Au-delà de la naïveté d’apparence, Paris selon Moussa appelle au dialogue, allant jusqu’à mettre en scène des figurants ex-sans-papiers et CRS dans leur propre rôle lors d’une expulsion fictive. Cheik Doukouré rejette la peur d’autrui et milite pour le respect, seul moteur du développement durable.