Le 19 septembre 2021
Le destin contrarié d’un jeune issu de l’immigration turque en Allemagne, qui doit composer entre ses aspirations à un Islam quasi radical et le désir d’accéder à une vie occidentale ordinaire. Passionnant et sensible.
- Réalisateur : Mehmet Akif Büyükatalay
- Acteurs : Zejhun Demirov, Deniz Orta, Cem Göktas, Ferhat Keskin
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand, Turc
- Distributeur : Urban Distribution
- Durée : 1h37mn
- Date de sortie : 27 octobre 2021
- Festival : Festival de Berlin 2019
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Résumé : Lors d’une dispute, Oray répète trois fois le mot talâq à sa femme Burcu ce qui, dans la loi islamique, signifie la répudiation. Fervent pratiquant, il va chercher conseil auprès de l’imam de sa ville qui lui impose une séparation de trois mois. Il profite de cette décision pour partir vivre à Cologne et y construire une nouvelle vie pour Burcu et lui. L’imam de sa nouvelle communauté, ayant une vision plus rigoriste de la loi islamique, lui intime de divorcer. Oray se retrouve alors tiraillé entre son amour pour sa femme et sa ferveur religieuse.
Critique : Il est filmé, face caméra. Il crie haut et fort que toute son existence est écartelée entre les limites qui lui impose son statut de jeune issu de l’immigration et celles de sa religion. Il rajoute, le regard droit, que son seul salut réside dans un Islam dur. Oray aurait pu être le récit d’une radicalisation. En réalité, cette première œuvre de Mehmet Akif Büyükatalay emprunte les allures d’un film documentaire pour offrir un récit quasi autobiographique sur la difficulté à être quand on est partagé entre ses aspirations à vivre comme tout le monde et l’exclusion que confère le statut d’immigré. Le sujet n’est pas nouveau au cinéma. Sauf que cette fois, est dépeint le risque de basculement dans une radicalité religieuse, faute de trouver un équilibre entre un Islam réinventé, une place dans la société, et la culpabilité d’avoir cédé au vice ou au passage à l’acte délinquant. Oray endosse les traits d’une jeune homme charismatique, convaincu en apparence par la croyance religieuse, qui ne parvient pas à se fixer entre son amour pour Burcu et l’empêchement que lui impose une certaine tradition musulmane.
- Copyright Urban Distribution
Présenté à Angers et à Berlin, le film est d’une très grande actualité. Il donne enfin la parole à des jeunes gens dont les parents ou grands-parents sont issus de l’immigration et qui, malgré les efforts d’intégration que leurs aînés ont accomplis, continuent de vivre écartelés entre les aspirations à la tradition et à la modernité. On comprend à travers les personnages la fragilité identitaire des jeunes hommes pouvant conduire à la délinquance, l’exclusion ou la radicalisme islamique. Le film de Mehmet Akif Büyükatalay joue très bien sur la ligne de crête qui pourrait faire chuter Oray dans le pire. Certes, l’amour le rattrape toujours mais il finit par s’abandonner au rigorisme d’une parole religieuse, recomposée par des imams occidentaux. La complexité est très bien décrite dans ce récit qui s’appuie sur une mise en scène dépouillée, une image très sobre et une lumière proche du réalisme d’un documentaire. Le réalisateur évite tout esbroufe dans le jeu des comédiens et l’usage de la caméra. Il restitue un récit brut, qui trahit immédiatement la difficulté pour un grand nombre de jeunes gens à se situer dans la société contemporaine.
- Copyright Urban Distribution
Pour autant, Oray évite le misérabilisme des film à connotation sociale. Il donne à voir aussi des jeunes détendus, heureux et solidaires, permettant à leur communauté de survivre. Les filles ont une place beaucoup moins importante. Sans doute parce que le cinéaste met beaucoup de lui-même dans cette histoire. On perçoit toutefois que la société avancera grâce à la liberté que les femmes veulent bien prendre par rapport à la religion musulmane et l’émancipation sociale et culturelle qu’elles assumeront face à la gente masculine. Mais Oray n’est pas un film militant. Mehmet Akif Büyükatalay laisse le spectateur se faire sa propre opinion sur la relation de ses personnages masculins à la question religieuse et au désir sexuel. Il n’infère aucune préférence pour tel ou tel positionnement. Il ne juge pas son héros, ni les acolytes qui partagent son existence. Pourtant, l’Allemagne qu’il met en scène est un pays sombre, austère et abîmé.
- Copyright Urban Distribution
Oray est un film maîtrisé et sensible. C’est une œuvre d’autant plus importante que nous suivons actuellement le procès des terroristes du Bataclan, posant la question essentielle du modèle inclusif de notre société contemporaine.
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