Le 9 juillet 2024
Plus qu’un récit policier sur une série de meurtres au bord d’une rivière, Only the River Flows est une traversée dans la psychologie tourmentée d’un flic, confronté à la misère humaine et au dysfonctionnement des institutions publiques. Un film fascinant et mystérieux.
- Réalisateur : Shujun Wei
- Acteurs : Zeng Meihuizi, Yilong Zhu, Tianlai Hou, Tong Lin Kai, Kang Chunlei
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Chinois
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h42mn
- Titre original : He bian de cuo wu
- Date de sortie : 10 juillet 2024
- Festival : Festival de Cannes 2023, Festival International du film Policier de Reims 2024
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– Festival de Cannes 2023 : sélection officielle, Un Certain Regard
Résumé : En Chine, dans les années 1990, trois meurtres sont commis dans la petite ville de Banpo. Ma Zhe, le chef de la police criminelle, est chargé d’élucider l’affaire. Un sac à main abandonné au bord de la rivière et des témoignages de passants désignent plusieurs suspects. Alors que l’affaire piétine, l’inspecteur Ma est confronté à la noirceur de l’âme humaine et s’enfonce dans le doute...
Critique : Curieuse idée que celle du ministre de la Culture d’installer le nouveau commissariat de police dans un cinéma qui n’est plus fréquenté. Mais le symbole est de taille, le gouvernement préférant les enquêtes policières à l’ouverture par la culture et l’art. C’est dans ce contexte particulier que le chef de police criminelle est confronté à un curieuse affaire où les assassinats s’accumulent au bord d’une rivière, mettant en cause une série de personnes qui vivent au cœur d’une campagne austère et délaissée par les pouvoirs publics. Shujun Wei situe l’action de son long-métrage en 1995, quelque part dans une province chinoise du Sud. L’occasion est trop belle pour décrire un état du pays où les services publics comme l’hôpital et la police sont en véritable désuétude et les populations vivent au fil des jours, sans la certitude qu’ils seront protégés par leurs gouvernants.
- Copyright KXKH Films
Only the River Flows n’est a priori pas un film ouvertement pamphlétaire. Le cinéaste s’intéresse d’abord à son protagoniste, Ma Zhe, qui sombre peu à peu, au fur et à mesure de l’enquête, dans une série de doutes et de tourments autant professionnels que personnels. Sa jeune épouse est enceinte et la découverte d’un monde sordide, très pauvre, ne peut qu’interroger le père qu’il sera, d’autant plus que le bébé risque de naître handicapé. Le grain de la photographie est à l’image de ces mondes désolés qu’il traverse pour son enquête ; il pleut beaucoup, et les visages sont enfermés dans une tristesse profonde. Shujun Wei réalise une œuvre forte et sensible, mais résolument pessimiste. Il n’y a aucun espoir dans cette contrée, et peut-être plus généralement en Chine où les habitants n’ont aucune raison d’espérer des lendemains plus heureux.
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Le cinéaste déroule des thèmes très nombreux dans son film, lesquels thèmes touchent notamment à la question du handicap, de la maladie mentale, du déni de l’identité personnelle au profit du poids collectif et de la norme administrative. Il n’y a plus de cinéma pour illuminer l’existence des populations de Banpo. En ce sens, le spectateur s’interroge pendant tout le long-métrage de quelle Chine le réalisateur parle. Adapté d’une nouvelle de Yu Hua, le film est un hommage au cinéma, le réalisateur jouant avec plaisir avec la métaphore et la mise en perspective du réel à travers les pellicules qui s’empilent dans l’ancien théâtre de projection. Désormais, les sièges qui s’étendent devant la scène ont perdu leurs spectateurs pour des réunions d’officiers ou de représentants de l’État.
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Les trois longs-métrages de Shujun Wei ont tous été sélectionnés à Cannes. Cela témoigne d’une maîtrise totale de l’art cinématographique chez ce jeune réalisateur. Voilà un cinéaste qui sait jouer avec les couleurs, les lumières, qui n’abuse jamais des mouvements de caméra mais centre son récit sur l’intensité des dialogues. Le film parvient à rendre visible la psychologie sombre du protagoniste, mais aussi celle de tous ces êtres perdus qui peuplent les rues de Banpo. Only the River Flows est un film brillant, sensible, qui échappe avec brio à l’excès de longueurs dont peut souffrir un certain cinéma chinois. C’est une œuvre passionnante, qui joue avec la mélancolie, le rire et le sarcasme.
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