Le 29 octobre 2019
Un film âpre, qui décrit sans concession le parcours impitoyable de vulnérabilité et de pauvreté d’un jeune immigré letton. Saisissant et indispensable, pour appréhender de l’intérieur les parcours migratoires en Europe.
- Réalisateur : Juris Kursietis
- Acteurs : Dawid Ogrodnik, Anna Prochniak, Valentin Novopolskij
- Genre : Drame, Drame social
- Nationalité : Français, Belge, Letton, Lituanien
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h48mn
- Titre original : Olegs
- Date de sortie : 30 octobre 2019
- Festival : Festival de Cannes 2019, Quinzaine des réalisateurs 2019
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Résumé : Oleg quitte la Lettonie pour Bruxelles, où il espère travailler contre un salaire décent. Trahi par un collègue, son expérience tourne court. Oleg est alors recueilli par un criminel polonais, avant de tomber sous son emprise mafieuse.
- Copyright Arizona Distribution
Notre avis : Au bout de ces montagnes glacées, arrosées de lumière, il y a l’Eldorado belge pour ce jeune homme tout droit sorti de Lettonie. Et pourtant, au lieu d’un Eldorado, le pire attend Oleg : la précarité des logements de fortune, la trahison, les boulots au noir durement acquis, parfois au péril de sa vie, le racisme ordinaire, les organisations mafieuses et l’indifférence des pays d’accueil. L’issue à cette errance sans fin est similaire à ce rêve, où l’on voit Oleg tomber dans l’eau gelée d’un lac et tenter de se creuser une ouverture dans la glace, pour reprendre sa respiration. Tout l’enjeu pour lui est de croire à un futur possible et de s’envisager autrement que comme un homme maudit ou raté. Quelques rares moments de joie ponctuent cette existence terrible, comme un match de basket autour d’un barbecue ou un réveillon de Noël. Mais ils ne durent jamais et les difficultés de l’existence reprennent à chaque fois le dessus. L’isolement culturel et amical, le manque d’argent, la peur, sont omniprésents dans cette nouvelle vie belge, où Oleg sera contraint de se livrer aux mains manipulatrices d’un délinquant polonais.
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La question centrale qui est posée dans ce film terrible est la suivante : comment ce jeune homme, à peine sorti de l’adolescence, peut-il supporter autant de violences ? Il n’y a aucune possibilité d’échapper à ce destin d’esclavagisme et la fuite semble inenvisageable. Le réalisateur évoque avec brio les barrières qui se dressent au milieu de ces parcours chaotique. La mise en scène est d’autant plus brillante que le jeune comédien, Valentin Novopolskij, est remarquable dans ce rôle d’exilé. Les larmes sont rares et pourtant son visage exprime toute la douleur et la détresse de son existence. Il s’agit presque d’une figure christique, malmenée par un destin qu’il est incapable de maîtriser. Même la police à laquelle il se livre est incapable de l’entendre et de lui tendre la main. Oleg est un film noir, sans espoir, à l’instar sans doute de ces destins auxquels sont voués des milliers d’immigrés en Europe de l’Ouest. Ces derniers, faute de réponses politiques, errent dans la clandestinité et le non-droit. Heureusement, la spiritualité et l’amour apportent un peu à ces vies avortées, une portion de bonheur. et surtout l’espoir d’un lendemain meilleur. Le réalisateur, dans cette première œuvre, évite l’écueil de la démagogie. Il regarde ses personnages évoluer dans leur milieu de fortune, sans en rajouter sur les émotions ou la dénonciation. Pour autant, personne ne peut rester insensible à ces passants belges, occupés à se plaindre de leurs soucis quotidiens, devant ce gamin qui ne bénéficie même pas du minimum, à savoir un toit et de quoi se nourrir, se laver.
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Au-delà de la question migratoire, Oleg raconte avec effroi la puissance de la manipulation mentale, a fortiori à l’encontre de personnes vulnérables. Le persécuteur est un ressortissant polonais, Andrezje, qui, pour échapper à la police, s’est enfui en Belgique, où il a organisé autour de lui une sorte de petite armée d’immigrés clandestins qu’il dépouille de leurs papiers et de leur liberté. Tout l’enjeu pour ses victimes est de pouvoir trouver, ne serait-ce qu’en imagination, un moyen de s’échapper. Le processus d’emprisonnement psychique est le même que pour des femmes battues, l’embrigadement sectaire ou la prostitution. Il faut alors convoquer les ressources en soi pour s’accorder le droit d’exister.
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Le cinéaste offre à son personnage principal des clés très personnelles, afin de lui permettre de retrouver sa liberté. Certes, le point de vue est discutable. Certes, il sauve noblement un film qui aurait pu céder à la désespérance totale. Pour autant, cette histoire exhorte nos sociétés occidentales à faire face à la clandestinité et à rendre un visage humain à ces jeunes gens immigrés. La seule issue possible relève de la croyance et de l’élévation spirituelle. Il y a là quelque chose de dérangeant. Mais sans doute que, lorsqu’on a tout perdu, ou plutôt que l’on n’a plus rien à perdre, ne reste-t-il que l’espoir mystique d’un lendemain plus heureux, pour rendre son existence vivable.
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