Le 13 février 2024
En révélant lentement ses secrets, Nuit noire en Anatolie détricote son apparence de drame académique en lorgnant vers le polar et le western. Une réussite.
- Acteurs : Sibel Kekilli, Taner Birsel, Berkay Ateş, Cem Yiğit Üzümoğlu , Pinar Deniz, Ozan Çelik
- Genre : Drame, Thriller, Policier
- Nationalité : Turc
- Distributeur : Outplay Films
- Durée : 1h54mn
- Date de sortie : 14 février 2024
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– Année de production : 2022
Résumé : Sept ans après avoir quitté son village, Ishak revient alors que sa mère se trouve au bord de la mort. Mais le village, qui cache un lourd secret depuis son départ, voit son retour d’un très mauvais œil.
Critique : Ishak étrenne sur sa moto une âme en peine, perdue dans les impressionnants décors anatoliens. Notre personnage principal, souvent montré petit, écrasé dans des plans d’ensemble par ailleurs joliment composés, revient sur ses terres natales pour voir sa mère malade. Peu à peu, son passé douloureux nous est présenté, et c’est le personnage d’Ali, disparu depuis sept ans lui aussi, qui concentre toutes les interrogations. Ali, par son absence, tourmente Ishak. Et ce dernier tourmente le village...
- © Outplay films
Le film, en œuvrant lentement, prudemment, déroule sa mécanique avec une grande efficacité, rappelant les westerns les plus taiseux, et les polars les plus cruels. Au milieu de ce récit sobre et mystérieux, Berkay Ates fait l’étalage d’un talent brut qui semble sans fin, et envahit le cadre avec une gueule qui révèle une intensité rageuse et justifierait à elle seule de se plonger dans cette Nuit noire en Anatolie. Comme la narration, il est empli d’une colère sourde, nimbée d’un sentiment d’injustice et de la douleur d’un amour perdu. Jamais démonstratif, le film use de métaphores pour traiter du thème majeur de son récit : l’impossibilité pour le village d’accepter son secret, et même la volonté de punir Ishak pour ce qu’il cache.
La cruauté de la situation se déclare avec d’autant plus de puissance qu’elle n’est jamais véritablement montrée crûment, du moins pendant la majeure partie du long-métrage. Ici, des soupçons, là des rires. Puis, étape par étape, l’enfer se dessine et le puzzle sordide esquissé en ouverture se complète habilement.
- © Outplay films
La belle idée du récit est de montrer à quel point le secret d’Ishak ne peut se montrer, le film se gardant de toute divulgation explicite. Ishak pourra vérifier que, tout enfoui, tout camouflé qu’il est, ce secret est là et ne se peut discuter. Il survit comme il peut, malgré les pièges que lui tendent les habitants, pareils à ceux qu’ils réservent aux animaux sauvages.
Özcan Alper nous offre donc une copie propre, puissante, et qui, si elle aurait pu gagner en rythme en seconde partie pour accompagner le crescendo de la narration, discute aussi largement la question de l’exil. Le parcours d’Ishak, sept ans après celui d’Ali, montrera quelques différences intéressantes à cet égard, et que nous ne révélerons pas ici.
Véritable film de fantômes, de non-dits, joliment anti-spectaculaire, Nuit noire en Anatolie marie superbement film d’atmosphère et suspense électrisant.
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