Le 12 mars 2024
S’il fallait un film pour comprendre la libération de l’occupation portugaise, la création de l’État de Guinée-Bissau, et la faillite qui a succédé dans le pays, Nome est de ceux-là.
- Réalisateur : Sana Na N’Hada
- Genre : Politique, Drame historique
- Nationalité : Français, Portugais, Guinéen, Angolais
- Distributeur : The Dark
- Durée : 1h52mn
- Date de sortie : 13 mars 2024
- Festival : Festival de Cannes 2023, ACID Cannes 2023
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– Festival de Cannes 2023 : ACID
Résumé : Guinée-Bissau, 1969. Une guerre violente oppose l’armée coloniale portugaise aux guérilleros du Parti Africain pour l’Indépendance de la Guinée. Nome quitte son village et rejoint le maquis. Après des années, il rentrera en héros, mais la liesse laissera bientôt la place à l’amertume et au cynisme.
Critique : Sana Na N’Hada est déjà un réalisateur guinéen confirmé qui a à son actif presque une dizaine de films. La programmation de l’ACID 2023 offre une visibilité à ce cinéaste à travers Nome, qui se présente comme un témoignage aigu de la libération de l’occupant portugais et de la création de la Guinée-Bissau, pays qui continue encore aujourd’hui de souffrir d’une instabilité politique permanente, préjudiciable notamment à sa population. Le titre du film est emprunté au prénom du protagoniste, qui après avoir donné un enfant et par crainte d’être banni de sa famille, se jette à corps perdu dans l’armée de libération contre les colons portugais.
- Copyright Spectre Productions
Nome est un film très minimaliste. Le cinéaste a certainement tourné et fabriqué son film avec les moyens du bord. Néanmoins, il parvient à contourner les faibles moyens budgétaires en faisant montre d’une très forte créativité. Une majeure partie du récit se passe pendant la guerre des œillets. Au lieu de donner à voir des combats spectaculaires et donc coûteux, les conflits sont suggérés par un usage très ingénieux des sons. Ainsi, la bataille se joue dans des sons d’hélicoptères ou de rafales de balles. Le réalisateur insère de façon très ingénieuse des images d’archive d’époque qui permettent d’illustrer très directement le conflit armé qui a secoué le pays. Les films qu’il déroule sur l’écran démontrent la dichotomie flagrante entre les gens de la terre et l’instrumentalisation des jeunes gens qui a été faite pour intégrer l’armée de la libération.
- Copyright Spectre Productions
La musique joue un rôle très important dans le film. Elle prend presque la place d’un personnage du récit, avec les percussions qui donnent à la fiction un rythme salvateur. En effet, on peut regretter parfois des dialogues trop longs, des plans fixes qui se traînent, cassant de fait l’attention du spectateur. À ce sujet, le réalisateur multiplie les histoires de vie autour de ce paysan qui va s’improviser soldat, comme la grossesse puis la fuite de sa jeune amante, les efforts de Nome lui-même, enfant, pour prendre la place de son père récemment décédé. Le film mélange les temporalités, pouvant créer parfois de la confusion dans l’histoire.
- Copyright Spectre Productions
Mais Nome demeure un long-métrage audacieux et ambitieux. Il donne une visibilité à un cinéma d’Afrique de l’Ouest qui peine à être connu et apporte surtout une connaissance important des évènements douloureux qui se sont déroulés au moment de la libération. Surtout, il montre la difficulté de la Guinée de se départir de son passé de pays colonisé, et de trouver une stabilité qui ne soit pas entachée de corruption et de crimes barbares. Sana Na N’Hada construit un film éminemment sensible et politique. La narration permet à son auteur de témoigner de son ambition de faire de son pays, une nation stable et forte économiquement, tout en regrettant la difficulté pour son peuple de se réparer d’un passé emprunt de domination et de mépris.
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