Ni vu, ni lu - La chronique BD

L’opinion publique, avec ses joies et ses travers, peut condamner ce qui réussit et encenser ce qui ne passe pas, surtout si elle n’a pas eu à faire directement à l’objet culturel. Ce paradoxe épidictique, l’auteur le saisit en une page, s’amusant à décortiquer des phénomènes de mode, à épingler ces avis qui se veulent la plupart du temps élitistes, chauvins ou de mauvaise foi, mais qui reflètent en réalité une paresse intellectuelle accablante. Bon à savoir, les avis ne sont pas toujours négatifs, aussi certaines œuvres échappent-elles à une vision péjorative grâce à une belle cote dans les milieux undergrounds ou une possibilité de devenir une référence culte. Ici encore, le paradoxe est palpable, et l’humour, l’ironie sont de mise à chaque page, même s’il faut reconnaître une part de vérité dans chacune d’entre elles.

Jean-Christophe Mazurie / Delcourt

Ces pages transpirent de vérité grâce à un dessin mordant, qui a choisi des personnages longilignes, assez laids, l’air vieux et con parfois, souvent hautains et contempteurs, reflets d’une bourgeoisie citadine qui se prétend au-dessus du simple quidam. Le décor participe évidemment, ville Haussmannienne, terrasses de café en fond bleu, intérieurs chics et feutrés, qui donnent un cadre propice à la satire, comme un décor de théâtre efficace. Les personnages, presque inhumains d’apparence, y évoluent en toute décontraction et se laissent aller à livrer des stéréotypes (qu’ils incarnent d’ailleurs eux-mêmes), lapalissades et tautologues en tout genre.

Jean-Christophe Mazurie / Delcourt

Drôle et bourré de remarques préconçues mais déjà entendues, ici ou là, voire dans sa propre bouche, Ni vu ni lu est un bel album, savant non pas par la culture qu’il prodigue mais bien par sa perception sociologique des hommes.