Le 4 juin 2018
Une édition riche et pointue pour ce film qui divisera, mais vaut largement le coup d’œil.
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– Année de production : 2016
– Sortie DVD et Blu-ray : le 21 juin 2018
Résumé : Dash, journaliste plus qu’ambitieux de la gazette du lycée et son meilleur ami Assaf ne sont pas particulièrement populaires, mais tout est sur le point de changer. Alors qu’ils commencent à connaître le succès, Dash découvre la romance naissante entre Assaf et Verti, l’éditrice de la gazette. Le trio se sépare et c’est lors d’une expédition dans la cave du lycée que Dash découvrira un secret qui bouleversera l’ordre des choses.
Notre avis : Dash Shaw s’est fait connaître par ses romans graphiques et bénéficie chez les amateurs d’une certaine faveur. Son passage au cinéma ne devrait pas les décontenancer, mais pour les autres, le choc risque d’être rude : entre esprit potache et recherche esthétique, My entire high school... peut susciter rejet violent autant que bel enthousiasme, et, avouons-le, nous avons été constamment tiraillés de l’un à l’autre.
Le trait d’abord, grossier (volontairement bien entendu), le tremblement permanent (ce que Beaujean appelle joliment dans les suppléments la « vibration »), surprendront les amateurs de dessins animés léchés et proprets. Ici, les fonds sur lesquels agissent les personnages sont mouvants, instables et bien souvent abstraits. C’est que Shaw cherche autre chose qu’un utopique réalisme et notamment par l’emploi de techniques et de styles multiples s’opposant parfois (voir la séquence des scouts, dessinée par une autre dans une optique totalement différente), d’où cette sensation épisodique de saturation. Et pourtant la beauté et l’intelligence de cette esthétique composite ne peuvent que séduire les esprits curieux par sa radicalité : plus qu’une forme cohérente, le film propose une série d’essais plus ou moins aboutis, alternant et mêlant les ombres, collages, découpages, prises de vue réelles, en un joyeux capharnaüm délirant qui privilégie la couleur plutôt que le trait.
Cet appétit graphique l’éloigne de la stricte narration, elle aussi assez folle avec son point de départ aberrant : la chute d’un lycée dans l’océan et les efforts des élèves pour y survivre. Intrigue lâche et prétexte à déferlements visuels, certes, mais pas seulement : le film se pose en modèle de post-modernisme assumé. Non content de jongler avec les références, il passe son temps à se commenter lui-même ou à faire preuve d’auto-ironie. Des références ? Les « college comedy » et les films catastrophe, avec leurs lots de clichés (les intellos détestés par les autres, le proviseur irresponsable-qui-mène-au-désastre, l’action qui révèle l’héroïsme ou la lâcheté…) et des citations plus ou moins directes, de La Tour infernale à Poséidon. Mais ce croisement improbable ne cesse de tendre vers la farce ; ainsi une jeune fille en danger supplie-t-elle les héros : « sauvez-moi et je vous invite à ma fête ». Et cette farce prend elle-même des allures sérieuses (on y parle de William Golding ou de Gertrude Stein), toujours à la limite du pastiche. On n’oubliera d’ailleurs pas qu’en un geste presque masochiste, le protagoniste revanchard et pompeux s’appelle… Dash Shaw.
Si regarder My entire high school… pourrait être une épreuve pour bien des gens (mise en garde initiale réservée aux épileptiques), il est possible aussi que le temps lui apporte un statut de « film culte », tant il dépare et provoque. En tout cas, loin des produits aseptisés, il trace un sillon atypique, dérangeant, déroutant : un vrai pari risqué.
Les suppléments :
Blaq Out a fait les choses en grand : l’introduction de Stéphane Beaujean (18mn) éclaire brillamment la carrière et le (ou plutôt les) style de Shaw, trouvant une unité thématique entre les BD et le film, définissant son univers en quelques mots et formules qui font mouche. Dans un autre bonus, c’est le cinéaste lui-même et son animatrice qui décodent le métrage, d’un point de vue essentiellement technique. Suivent cinq courts d’une minute environ, expérimentaux et stimulants. Enfin, outre la bande-annonce, le Blu-ray propose un commentaire audio du réalisateur, plutôt riche et bardé de références.
L’image :
Pour apprécier les recherches formelles, on fera difficilement mieux que cette copie qui restitue à merveille les couleurs variées. Les noirs y sont profonds, les passages abstraits à couper le souffle.
Le son :
Les deux pistes (DTS-HD 2.0 et 5.1) permettent de déguster les voix et la musique avec plaisir, mais la bande-son n’est pas chargée d’effets et va peu solliciter les installations.
Galerie Photos
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