Le 1er mai 2019
- Acteur : Anémone
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La comédienne, ex-membre de la troupe du Splendid, s’est éteinte à l’âge de 68 ans.
News : Hier, la troupe du Splendid a perdu son premier membre, comme le rappelait Michel Blanc, ému par la disparition de l’indomptable Anémone, Anne Bourguignon, à l’état-civil. Rien ne destinait cette enfant de la classe bourgeoise au métier de saltimbanque. Sauf que ses parents, plutôt libéraux, l’ont laissée faire, même s’ils savaient que ce ne serait pas du tout la même chanson de fréquenter la bohème parisienne, les petites salles de spectacle, plutôt que les institutions catholiques pour rejetons de la haute. C’est au long-métrage de Philippe Garrel -Anémone, en 1968- que la jeune Anne doit son définitif patronyme aquatique et floral.
Son rocher sera le café-théâtre qui lui permet de rencontrer Coluche, avant de composer une princesse nunuche dans le premier film -raté- de l’humoriste : Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine. Sa présence, davantage soulignée par le madrigal grotesque du Chevalier Blanc (Gérard Lanvin) que par une performance singulière de comédienne, la cantonnera à un premier stéréotype : celui de la fille sympa et intrinsèquement godiche, figure dont la duplication, de comédies post-soixante-huitardes aimables en pantalonnades plus gênantes (Le mariage du siècle en 1985), sera élevée au rang d’œuvre d’art par le cultissime Père Noël est une ordure, en 1982. Anémone y joue une bénévole à la vertu trempée dans l’eau bénite, qui tricote des moufles à trois doigts pour les lépreux de Jakarta. Il est vrai que dans cet emploi, l’actrice est inoubliable et forme avec Lhermitte un duo mixte d’une redoutable efficacité comique.
Pourtant, les années 80 lui permettont de changer de registre, en incarnant des rôles plus dramatiques, dans Péril en la demeure et Le grand chemin notamment, et surtout dans le magnifique long métrage de la regrettée Christine Pascal, dont on parle si peu depuis hier soir : Le petit prince a dit, sorti en 1992, où elle est une comédienne de théâtre confrontée à la maladie incurable de sa fille. Il faut voir ou revoir ce film : Anémone parvient à y transcender chaque scène, la plus anecdotique comme la plus intense, vivant à travers une révolte entêtée, puis dans la douceur poignante, un événement insupportable.
La suite est plus en pointillés. La comédienne, qui a toujours rejeté les compromissions du show-business, s’engage en politique. Militante écologique, comme son frère, l’agronome Claude Bourguignon, elle devient porte-parole d’Attac, arrache du soja génétiquement modifié avec ses amis de la Confédération paysanne, soutient le non au référendum sur le projet de traité constitutionnel européen, en 2005. Elle se fâche avec les membres du Splendid, effectue quelques apparitions dans des films populaires (Le Petit Nicolas, en 2009) ou privilégie des œuvres cinématographiques plus confidentielles (Rosalie Blum, en 2015). Enfin, elle revient à ses premières amours, les planches, où elle terminera sa carrière en 2017, avec la pièce Les nœuds au mouchoir. Lassée de ce métier depuis longtemps, plutôt en froid avec les totems de la notoriété, elle s’était désolidarisée de l’hommage national rendu à Johnny Hallyday, qu’elle avait traité de "pantin médiatique". Elle-même n’avait pas voulu devenir un objet qu’on admire : son apparition éclair et je-m’en-foutiste aux César 88, où elle avait remporté le trophée de la meilleure actrice, avait la saveur d’un pied-de-nez, que son ami Coluche n’aurait certainement pas désavoué. Quel lauréat oserait un tel geste aujourd’hui ?
Pour toutes ces raisons, certainement, les réactions de la si vaste famille du cinéma français sont moins accortes que pour son homologue Jean-Pierre Marielle, décédé quelques jours plus tôt. Anémone n’était pas la gentille allumée, à laquelle des nécrologies formelles et condescendantes croient rendre hommage, alors qu’elles ne constituent qu’un paravent, pour ignorer l’excellente comédienne et la citoyenne soucieuse qu’elle était, angoissée par le devenir de l’humanité.
Anti-consensuelle, elle n’hésitait pas à l’ouvrir. Sa disparition est aussi celle d’une insoumise.
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