Le 16 juillet 2021
Une plongée sensible dans l’univers de la prostitution masculine, où le regard se concentre autant sur les relations amoureuses entre jeunes homosexuels que sur le rapport ambigu que Taïwan entretient avec la question gay.


- Réalisateur : Yilin Chen Bo
- Acteurs : Kai Ko, Bai Yufan, Lin Zhengxi
- Genre : Drame, LGBTQIA+
- Nationalité : Français, Taïwanais, Autrichien, Belge
- Distributeur : ARP Sélection
- Durée : 1h56mn
- Date de sortie : 16 mars 2022
- Festival : Festival de Cannes 2021

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Résumé : Pour subvenir aux besoins de sa famille, le jeune Fei, originaire d’un petit village de Chine, se prostitue dans les grandes villes.
Critique : Fei est tout jeune. Il se retrouve au domicile d’un client où un autre prostitué a été convié. L’amour naît simultanément entre les deux jeunes gens, jusqu’au moment où le drame survient à la suite d’une passe malheureuse. Le ton de ce très joli film est donné : certes, le point de départ s’intéresse à la prostitution masculine en Chine, mais l’objectif est surtout de décrire l’ambiguïté que le pays entretient avec la question homosexuelle. En effet, si celle-ci est généralement peu admise au sein des familles particulièrement éloignées des villes, elle est loin d’être ignorée. On règle le problème en imposant le mariage, ce qui contraint les gens à mettre de côté leur identité sexuelle au bénéfice de la norme. Cette coercition n’empêchera pas plus tard la fréquentation d’homosexuels, mais sur un mode tarifé.
- Copyright Jean Louis Vialard
Yilin Chen Bo choisit une mise en scène qui s’insurge contre la tentation du voyeurisme. Souvent, dans le cinéma gay, la sexualité est omniprésente, ce qui est loin d’être le cas ici. Le réalisateur filme avec beaucoup de pudeur les rapports entre les jeunes gens, mais aussi les relations monnayées et la culpabilité éventuelle des clients. Pour autant, l’enjeu n’est pas de sombrer dans un érotisme désuet. Le metteur en scène choisit d’évoquer les sentiments jamais magnifiés qui se nouent entre les garçons, voire entre eux et certains clients. Que les êtres soient homosexuels ou non, le propos offre une vision universelle de l’amour, où les regrets, les choix que nous opérons, les déterminismes familiaux pèsent sur les relations futures ou actuelles que nous avons.
- Copyright Jean Louis Vialard
Le plus intéressant demeure la façon dont le cinéaste décrit les liens que Taïwan entretient avec la question gay. Le problème fait l’objet, sinon d’un rejet, en tout cas d’un déni manifeste, où les familles composent avec la honte et la nécessité de faire perdurer la tradition, au point que certains renoncent à leur identité sexuelle en fondant un foyer. Yilin Chen Bo décrit la puissance des conservatismes qui hantent les familles, la violence des rapports entre aînés et enfants, tout en offrant un cadre de vie apparemment apaisé, médiatisé par des repas qui n’en finissent pas. La place des femmes, auxquelles on impose un rôle strictement domestique, est très bien abordée, sans que le propos ne cède à l’excès et le militantisme. Le cinéaste laisse les spectateurs se faire leur propre idée de la société taïwanaise, dont on ne connaît pas grand-chose.
- Copyright Jean Louis Vialard
Moneyboys est une belle surprise. Avec de tels films, le risque est toujours de restreindre son visionnage à un public qui s’interroge sur la question gay. Au contraire, ici, le long-métrage s’offre à de multiples spectateurs, tant les sujets de discussion sont nombreux, à commencer par la discrimination et le rapport de la communauté taïwanaise à son environnement normatif. A cela s’ajoute une très belle photographie, qui donnera du baume aux cœurs de chacun.