Il était un père
Le 8 novembre 2016
Drame, comédie, thriller… le premier film de Mathias Renou déjoue les genres autant qu’il rappelle la perméabilité entre fiction et documentaire. Une œuvre audacieuse et parfois chancelante, mais prometteuse.
- Réalisateur : Mathias Renou
- Acteurs : Marie Rivière, Serge Renou, Alix Schmidt
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Durée : 01h30mn
- Date de sortie : 9 novembre 2016
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Résumé : Mathieu, 20 ans, cinéaste en herbe, filme sur le vif la rupture de ses parents. Il prend fait et cause pour son père, comédien raté, mari trompé, en lui offrant le "rôle de sa vie" dans un long métrage autobiographique.
Notre avis : Premier film de Mathias Renou, acteur croisé dans Après Mai de Olivier Assayas en 2012, Mon père en grand se lit comme une expérimentation ludique et parfois saisissante sur la porosité entre fiction et documentaire. Illustrant la célèbre formule de Jean-Luc Godard selon laquelle le cinéma ment 24 fois par seconde, le cinéaste opte pour un dispositif ambigu : donner à ressentir un faux-vrai documentaire dont l’objet serait un père en déroute, filmé par son fils dans sa vie de couple tumultueuse et sa vie d’acteur professionnel raté. Renforcés par l’usage d’une caméra de reportage, tous les codes inhérents au documentaire - filmage à l’épaule, prises sur le vif, changements brusques de mise au point, etc. - sont de la partie. Or, le trouble tient ici surtout du fait que l’intrigue place le fils Mathieu, joué hors champ par Mathias Renou, en tant que réalisateur. Un rôle qu’il incarne à la vie comme à l’écran - son père Serge Renou interprétant Charles, le rôle-titre. Dès lors, Mon père en grand se perçoit comme une œuvre dont l’enjeu théorique revient à montrer comment le cinéma se nourrit du réel, et vice versa.
- Copyright Cinéma Saint-André des Arts
Cet enchevêtrement habile mais néanmoins fragile de mises en abyme pose aussi la question des limites du jeu : où commence-t-il et où s’arrête-t-il ? Par-delà les velléités expérimentales, cependant, la trajectoire dessinée par le scénario reste assez vivace. Le fils filmant irrépressiblement son père exorcise à la fois une filiation tout en cherchant à travers le montage à s’arranger avec une réalité moins enjôleuse - jamais de plan large, ou presque, dans Mon père en grand. Le réel ne se trouve-t-il pas en effet dans les trous du découpage, dans le hors champ, entre les cuts, dans ce off dont on pressent des choses une fois la caméra rallumée. Le vrai du faux, dès lors que le regard de la personne filmée croise l’objectif de la caméra, s’avère inextricable. En résulte un univers où chacun cherche à feindre les apparences : le fils caché derrière son faux projet d’école de cinéma, le père qui articule ses capacités de comédien comme rempart, la mère qui doit composer avec ces dualités et lutter contre la fiction. Autant de schémas qui balisent l’existence.
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Alors que la démarche risque sans cesse l’essoufflement, le jeu ambivalent, tout en atonalité, sécrété par Serge Renou et Alix Schmidt/Marie Rivière - respectivement père et mère - tient sauf l’édifice. En cela, les regards caméras perpétuels - chose que les acteurs habituellement apprennent à éviter -, participent-ils sans doute au trouble - et du spectateur et de l’interprète. Une douce paranoïa, à la limite du suspense, finit d’ailleurs par poindre. Où le public doute tour à tour de la sincérité de chacun des protagonistes, jusqu’au cadreur-voyeur. Dans ses raisonnements et déraisonnements, chaque personnage désire malgré lui conjurer une part de lui-même ou de l’autre, créant un vertige psychanalytique. Des questionnements que rappellent - par delà le simulacre de l’amateurisme typé reportage - les beaux noirs, crépuscules et autres contrejours Magrittiens de l’image. Dommage toutefois que Mon père en grand perde de sa spontanéité et de sa liberté dans sa dernière partie et dans l’épilogue - trop bavard -, par besoin sans doute de boucler l’intrigue plus que par nécessité absolue. Sensible et ambitieux, le premier long métrage de Mathias Renou révèle pour autant un réalisateur à suivre.
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