Le 20 août 2019


- Scénariste : Michael Matthys>
- Dessinateur : Michael Matthys
- Collection : Collection Amphigouri
- Genre : Chronique sociale
- Editeur : Fremok
- Famille : Roman graphique
- Date de sortie : 1er mars 2003
Moloch est un livre aux teintes dures, qui aborde le monde de l’industrie sidérurgique. Un témoignage à l’aquatinte qui ressemble à un dernier hommage, un ultime instantané, un souvenir, déjà.
Le narrateur, "le gamin" comme ils disent, veut faire une BD sur l’usine. Cette usine qui fait partie de leur vie à tous, qui a englouti des générations. Cette usine avec laquelle ils échangent leur existence contre le droit de vivre. Alors le gamin photographie ce qu’il voit. Les décors, les armatures, les perspectives : les organes du monstre. La bruine étouffante, formée par les particules de fer en suspension : son souffle. Mais on devine en substance, que c’est autre chose qu’il capte : la difficulté du travail, les douleurs, les courages ou les pudeurs. Tous ces caractères bien trempés. Les histoires du pays, en somme, réduites au service de la machine.
Ces photos mises bout à bout, organisées en planches, deviennent Moloch. Plus qu’un récit, c’est une atmosphère, dans laquelle l’usine est une bête qui avale et digère les hommes. Le gamin s’y perd dans un brouillard de métal, crache de la limaille, avant que des ombres ne l’aident à retrouver son chemin. Les eaux-fortes donnent le sentiment d’être devant des tirages photographiques plongés dans le bain révélateur. Comme si l’auteur nous faisait l’honneur, en même temps que lui, de la découverte. Visuellement, les dessins sont assez proches d’aquarelles grises, de dégradés ternes comme des successions de dépôts sombres, comme des images de plomb. Michael Matthys explique sa technique graphique : l’aquatinte, ou la gravure sur zinc passée plusieurs fois à l’acide. C’est l’âpreté de l’univers sidérurgique qui contamine la méthode de l’artiste.
Le gamin, évidemment, c’est un peu Michael Matthys. Son regard, c’est aussi un peu le nôtre. Porté par la vision subjective, Moloch rend compte de l’usine de façon quasi documentaire, témoignant d’un temps bientôt révolu, de destins bientôt oubliés. Ce qui distingue le narrateur de l’auteur ? Le gamin voudrait appeler son livre "Le Minotaure", du nom de cette créature mythologique, gardienne du grand labyrinthe, que Thésée devait vaincre pour pouvoir aimer en paix. Matthys a préféré Moloch, cette divinité pour laquelle on sacrifiait les siens.
100 pages - 22 €