Papy fait de la résistance
Le 25 octobre 2006
A l’heure où les rumeurs sur la santé de Fidel Castro vont bon train, les éditions Montparnasse ressortent le DVD d’entretiens entre le Lider Maximo et Ignacio Ramonet datant de janvier 2003 qui déjà laissaient prévoir une fin de règne proche.
- Réalisateur : Axel Ramonet
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
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A l’heure où les rumeurs sur la santé de Fidel Castro vont bon train, les éditions Montparnasse ressortent le DVD d’entretiens entre le Lider Maximo et Ignacio Ramonet datant de janvier 2003 qui déjà laissaient prévoir une fin de règne proche.
Avant de visionner ce documentaire de six heures, il est conseillé de regarder l’interview de vingt minutes accordée par Ignacio Ramonet, directeur du Monde diplomatique et initiateur du projet, qui situe le contexte de l’entreprise. De quoi s’agit-il ? Ramonet a souhaité faire un document pour l’histoire en laissant témoigner l’un des derniers protagonistes de la guerre froide et survivants du communisme. Ramonet prévient qu’il ne s’agit pas d’un débat contradictoire mais de la version castriste de l’histoire de Fidel Castro en "pointant les faits qui font problème et qu’il puisse s’exprimer". Les conversations ont lieu dans le bureau de travail du président cubain (excepté quelques scènes en extérieur dans l’épisode 2 consacré à l’assaut de la Moncada) à la demande du journaliste qui souhaitait un lieu calme et intime. Les plans de caméra sont fixes et centrés sur le président Castro, exceptés quelques cadres sur le journaliste pendant la conversation et les interludes entre les parties filmés en extérieur dans les rues de La Havane (mais bon ce n’est pas Wenders...). Ramonet dit avoir réalisé ces entretiens en réaction au traitement partisan de l’information généraliste dès qu’il est fait mention de l’expérience cubaine. Il souhaite apporter une pièce neuve et neutre pour un débat plus serein. Le projet est louable, l’entreprise ambitieuse. Tellement ambitieuse que dans son introduction, le journaliste présente le président cubain, par ces mots : "un très grand intellectuel, un très grand chef militaire et un très grand politique." Peut-être, ce tableau, pris comme base de travail, était-il à nuancer dès le départ.
L’entretien du vide
Le premier épisode intitulé Une jeunesse rebelle, donne le ton. Pendant une heure, les deux hommes visiblement liés par une complicité potache traquent dans une succession d’anecdotes, souvent ennuyeuses et parfois drôles, les signes annonciateurs de l’esprit rebelle de monsieur Castro. L’entretien aux supposées résonances historiques se meut en une conversation entre un grand-père et son petit-fils tant le contenu est faible (comme l’anecdote de la troisième baffe que Castro aurait reçue de son père et à laquelle le journaliste accorde la plus grande importance en pensant y découvrir l’origine de son esprit rebelle). L’anecdotique est omniprésent. Dans la troisième partie, quand Ramonet essaie de porter le débat sur des questions théoriques concernant la réputation trotskyste de Che Guevarra, Castro ignore la question par une digression qui prend toujours la même forme : la petite histoire piquante dans laquelle il tient le beau rôle. Moi, Fidel Castro. A priori, on se dit que le contenu aurait pu tenir sur trente minutes. Et pourtant...
L’entretien d’une légende.
Derrière la forme - les sourires du vieil homme, ses trous de mémoire, ses absences - pointe la volonté de confirmer certains poncifs, forcément positifs, sur sa personne : son autodidactie, (ce qu’il est, il ne le doit qu’à lui-même et il raille tous ceux qui prétendent l’avoir aidé, de Jimmy Carter le gentil au Pape sénile ...), son excellence en tout domaine, ses références (Napoléon ou Alexandre le Grand). Et le catalogue se poursuivra sur son ouverture d’esprit (concernant l’homosexualité, la religion...), sa culture de démocrate contre la tyrannie. Le passage sur l’emprisonnement des opposants politiques, et notamment l’anecdote du pape (épisode 5, Les infidèles), risque de provoquer quelques réactions épidermiques chez les anti-castristes, et le sourire chez d’autres, amusés par tant de culot. Ses origines bourgeoises il ne les renie pas mais il les tempère en affirmant les préoccupations humanistes, attitude singulière à l’époque, de son père. La peine de mort ? Il est contre mais le peuple est pour, alors il a décidé un moratoire en 1998 mais...
L’entretien d’un pouvoir
...Mais, un moratoire ne signifie pas une abolition. À plusieurs reprises, Fidel Castro distille des menaces à peines voilées à l’encontre de ceux qui pourraient visionner cet entretien et qui auraient quelques envies "subversives". Il affirme connaître parfaitement son opinion publique "jusqu’à la moindre opposition" qu’il juge "microscopique" et dans la façon de ponctuer sa phrase par un silence pesant accompagné d’un visage fermé, Castro passe son message.
Mais avant tout, l’entretien d’un ego
Au final, Castro parle tellement de lui-même qu’il en oublie d’aborder les réalisations du régime (alphabétisation, médecine développée dont la fabrication d’anti-viraux contre le sida distribués gratuitement, absence de bidonvilles) et l’avenir de Cuba. Le titre du double DVD résume la pensée du leader cubain Moi, Fidel Castro, sa réflexion commence et s’arrête sur sa personne. Le documentaire met en lumière l’ego demesuré d’un homme mais aussi le système qui lui a permis de tenir et qui explique, en partie, le soutien encore réel de la population. La rhétorique de Fidel Castro est simple : "nous" quand ça ne va pas, et "moi" pour les solutions. Pour les erreurs, il adjoint au "nous" les termes "naïveté" ou "ingénuité" qui disculpent tout le monde en montrant que personne n’a voulu le mal, lui-même d’ailleurs n’a "aucune haine envers les personnes".
Fidel Castro conclut sur sa volonté d’avoir "été utile". Et de poursuivre par cette réflexion (son épitaphe ?) : "Je ne pense pas avoir abusé du pouvoir, si présent dans la nature humaine." No comment.
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