plaisir masochiste
Le 13 mai 2014
En suivant Haneke sur près de 20 ans, Montmayeur a pu filmer au plus près sa façon de travailler. Le documentaire est très instructif mais il reste en surface. On aurait peut-être aimé une analyse plus poussée de l’œuvre.
- Réalisateur : Yves Montmayeur
- Acteurs : Isabelle Huppert, Béatrice Dalle, Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Juliette Binoche, Susanne Lothar
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Autrichien
- Durée : 1h32mn
- Titre original : Michael Haneke - Porträt eines film-handwerkers
- Date de sortie : 14 mai 2014
L'a vu
Veut le voir
En suivant Haneke sur près de 20 ans, Montmayeur a pu filmer au plus près sa façon de travailler. Le documentaire est très instructif mais il reste en surface. On aurait peut-être aimé une analyse plus poussée de l’œuvre.
L’argument : Michael Haneke est l’un des grands auteurs d’aujourd’hui. Aussi captivant que mystérieux. Un véritable Mister Arkadin viennois qui tente toujours de brouiller les interprétations de ses films, comme d’effacer toutes traces de son passé. Notre film passe donc de l’autre côté du miroir hanekien. En accompagnant le réalisateur sur une période de près de vingt ans, nous revisitons alors ses films dans un itinéraire fait de tours et de détours entre Vienne et Paris, l’Allemagne du Nord et Cannes. Et c’est en passant d’une scène de tournage à une autre, en approchant au plus près l’auteur Haneke dans son travail de metteur en scène, que l’homme, Michael, se révèle alors, caché derrière son oeuvre.
Notre avis : Au début du documentaire on voit la scène du meurtre de Benny’s video. On aperçoit via un écran de téléviseur quelques mouvements furtifs dans la pièce, mais l’essentiel de l’action se passe hors champ. Les cris de la victime installent un malaise. En quelques secondes tout le programme du cinéma d’Haneke est ainsi posé. On n’est pas là pour rigoler. Les films d’Haneke nous confrontent aux aspects les plus durs de la réalité tout en interrogeant constamment notre rapport à la représentation de cette réalité. Si on peut s’accorder à reconnaître le talent de ce réalisateur, son cinéma ne fait pas l’unanimité. Il y a ceux qui aiment être bousculés par des films forts. Et il y a ceux qui trouvent ce cinéma complaisant et insupportable. Ceci dit cette fracture s’est réduite avec le film Amour qui a recueilli une grande majorité des suffrages. C’est un très beau film qui reste très dur. On ne le conseille pas aux dépressifs.
- © Golem Distribución
Amour ouvre et ferme le documentaire de Montmayeur, documentaire qui s’adresse avant tout aux amateurs du réalisateur. Il évite toute interprétation de l’œuvre ou de la vie intime d’Haneke pour se concentrer sur sa façon de travailler, notamment avec les acteurs. Montmayeur a suivi Haneke sur quasiment tous les tournages depuis Code inconnu donc il a du matériau. C’est troublant de voir le making of de scènes très dures. On se sent presque soulagé en voyant des techniciens maquiller Emmanuelle Riva allongée sur son lit de mort. Ça nous rappelle que ce n’est que du cinéma. Les gens rient sur les plateaux de tournage mais en même temps l’atmosphère sombre des films semble déteindre sur les acteurs. Interviewée sur le lit, Riva semble déprimée. Comme le souligne Jean-Louis Trintignant, "Haneke s’amuse peut-être beaucoup, mais les acteurs ne s’amusent pas du tout".
- © Golem Distribución
Cette approche pourrait être purement technique et donc un peu ennuyeuse si Montmayeur n’essayait pas d’installer une atmosphère au travers de ses discussions avec Haneke, des extraits de films (souvent les plus frappants), ou de façon plus audacieuse, lorsqu’il essaie de brouiller la frontière entre fiction et réalité (on pense à la scène où Haneke semble être un des personnages d’Amour). Les interviews de grands acteurs (Jean-Louis Trintignant, Emmanuelle Riva, Isabelle Huppert, Juliette Binoche, Beatrice Dalle) offrent un autre contrepoint intéressant. Ils ont mis leur art au service d’une vision. C’est qu’ils ont su reconnaître l’intelligence d’un réalisateur qui a vraiment quelque chose à dire. Et il n’y en n’a pas tant que ça. Sauf que la vision en question n’est pas vraiment interrogée par Montmayeur. Certes il essaie régulièrement d’obtenir des éléments d’interprétation de la part d’Haneke, mais il échoue régulièrement. Haneke se refuse à livrer la moindre clé et on ne lui donnera pas tort. Il en a parfois trop dit (sous la pression des médias qui posent sans cesse des questions ?) et ce qu’il a laissé filer était maladroitement moralisateur, du style "je vais vous montrer comment l’éducation protestante a mené au nazisme" (Le ruban blanc), ou "je vais vous faire passer votre goût pour la violence au cinéma" (Funny games). Si on en dit trop, on transforme son film en film à thèse, et ce n’est jamais très bon. Mais le fait qu’un réalisateur ne doit pas parler de son œuvre n’empêche pas qu’on puisse l’analyser de l’extérieur. En se contentant des pistes esquissées, en abandonnant toute tentative de creuser la compréhension, Montmayeur prend le risque de décevoir ceux qui recherchent avant tout du sens car du coup on n’apprend pas grand chose. A un moment, Isabelle Huppert pointe la ressemblance avec les grands écrivains autrichiens que sont Thomas Bernhard ou Kraus. C’est très pertinent. Montmayeur aurait par exemple pu explorer cet aspect fondamentalement autrichien de l’œuvre d’Haneke. Comme Bernhard, il fait partie d’une génération à qui on a enseigné que l’Autriche était une victime du nazisme. Ils ont découvert que c’était un mensonge, que leur pays avait été nazi et que se faisant passer pour victime, contrairement à l’Allemagne, il avait évité toute remise en question. Comme le souligne Haneke, "l’Autriche a un talent formidable pour cacher les choses". D’où le désir de montrer les choses. Certes Montmayeur est cohérent dans son parti pris : il s’en tient à ce qu’ Haneke lui donne ou à ce qui se dégage de ce qu’il filme. L’avantage c’est qu’on évite les explications lourdes. Mais en même temps on reste un peu sur sa faim.
MICHAEL HANEKE : PROFESSION REALISATEUR - Bande... par CoteCine
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.