Larry Clark light
Le 11 mars 2007
Entre balade poétique et conte réaliste et cruel, un coup d’épée dans l’eau pour ce premier long métrage hésitant.
- Réalisateur : Jacob Estes
- Acteurs : Trevor Morgan, Rory Culkin, Ryan Kelley, Scott Mechlowicz
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Metropolitan (éditeur DVD)
- Festival : Festival de Cannes 2004
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– Durée : 1h29mn
Entre balade poétique et conte réaliste et cruel, un coup d’épée dans l’eau pour ce premier long métrage hésitant.
L’argument : Un trou paumé près de Portland, au nord-ouest des Etats-Unis. Des gosses traînent leur ennui, entre bars et cambrousse. Parce qu’il ne supporte plus de se faire tabasser à l’école par Georges, une grosse brute mal dans sa peau, Sam, une dizaine d’années, décide de lui donner une leçon. Rocky, son grand frère, aidé d’une bande de copain, prend en main sa vengeance. Ils décident d’inviter Georges à une balade en bateau. Là, ils lui feront payer...
Notre avis : Mean creek sonne faux. On ne sent jamais vraiment cette histoire de cruauté ordinaire, ce récit d’un ennui du quotidien. Tout raisonne trop ici, ou baigne dans un halo de lumière ou de musiques romancées. Jacob Estes a, semble-t-il, voulu peindre la rage enfouie dans les corps chétifs et poupons (Rory Culkin en incarnation de l’innocence, gueule d’ange) de ces ados ordinaires. De leurs visages, de leurs gestes, mais surtout de leurs mots, incroyablement matures pour les plus jeunes, naît a contrario un film inachevé. Entre réalisme et poésie, sentiments bruts et philosophie, Mean creek se cherche, balance, hésite et ne trouve jamais son rythme.
On pense immédiatement à Bully de Larry Clark, aussi bien par certains choix de mise en scène (les visages filmés de très près, la caméra nerveuse) que par les décors ou les personnages. Mais là où Clark laisse éclater une violence rare, la cruauté pure d’une adolescence misérable, provoquant ainsi par les mots crus et les scènes chocs l’esprit et les tripes du spectateur, Jacob Estes n’use que de la puissance suggestive des images. Aussi la longue séquence centrale de la balade en bateau, où se nouera le drame qu’on sait inévitable, se perd entre contemplation du décor (magnifique) et peinture banale des sentiments qui animent les personnages. Sans doute Estes cherche-t-il ainsi à fixer dans l’éternité de l’existence des gamins cet instant de sursis avant le drame. Mais il multiplie les clichés, reflets dans l’eau, vent dans les branches, vols d’oiseaux, etc. La poésie du moment s’en trouve plombée, immédiatement, d’une symbolique envahissante et purement esthétique.
En prenant trop le temps de voir vivre ces personnages et l’univers qui les entoure, sorte de paradis perdu ignoré des citadins endormis, Mean creek s’égare, anesthésie le spectateur (ou l’hypnotise, au mieux). Celui-ci n’est alors plus en mesure de réagir à la violence du propos qu’amène son réalisateur, la cruauté générée par l’adolescence, en et hors des adolescents. Il s’éveille de cette histoire, un peu courte au regard de sa lenteur, non pas assommé comme chez Clark, mais persuadé de l’innocence de ces gamins (presque) bien sous tous rapports (servis par une bande de jeunes acteurs prometteurs, avec une mention spéciale au charismatique Scott Mechlowicz). Victimes des grands, mais assez forts pour s’en remettre. Pour devenir bons. Il aurait été tout à l’honneur de Mean creek de mettre en scène des jeunes conscients de leurs erreurs et prêts à les assumer. Mais il aurait fallu, pour que cela soit crédible, le poids des années, les doutes. Il aurait fallu plus que quelques plans contemplatifs et de lourdes notes de piano.
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