Le 24 octobre 2016
- Date de sortie : 21 octobre 2016
A considérer comme un projet parallèle dans la discographie de chaque artiste, Martyrs Modernes repose sur une écriture trop bancale par intermittence pour vraiment parfaire un album brut et exigeant.
Notre avis : Martyr tire son origine du grec ancien mártus, traduit en français par "témoin" (merci Pascal Laugier pour la référence). Religieusement et plus généralement, le terme s’emploie pour désigner une personne morte (ou molestée) pour avoir refuser d’abjurer ses convictions. Avec le projet collaboratif de Mani Deïz, Néfaste, Pejmaxx et Ol Zico est retrouvé le sens originel de ce terme bien galvaudé au fil des années. En s’associant, les quatre artistes perpétuent la tendance du rap indépendant d’apporter des témoignages sans concessions sur leur monde et ses répercussions sur leur vie passée, leur vie présente, leur vie future (bon, là, on est dans le spéculatif), et leur personnalité. Passé l’introduction Jour de Gloire, égotrip présent histoire de poser les cartes sur la table (restons poli) sur une instrumentale d’une indécente lourdeur, Martyrs Modernes renoue avec ce à quoi nous avait habitués le quatuor en terme d’écriture, y compris Mani Deïz, beatmaker mais également rappeur (sur Jour de Gloire et PCDTG ici). Très rapidement les doutes quant à la cohésion de tous ces artistes se dissipent face à l’homogénéité d’un album sans fausse note en terme purement formel.
Loin de pour autant rester dans leur zone de confort, chacun profite de l’occasion pour se diversifier, dans leur médium respectif. Ainsi Mani Deïz propose une ambiance pesante sur une bonne partie de l’album, quand il ne bouleverse simplement pas son style avec la rythmique et les sonorités de PCDTG (on vous laisse deviner la signification de l’acronyme en écoutant le morceau), sur lequel les quatre rappeurs alourdissent grandement leur flow. A l’aise avec les variations de débit et d’intonation, le trio marque un sans faute avec leur frappe vocale passionnée et rageuse, mention spéciale pour Néfaste, dont le morceau solo Faut que ça Change surprend autant par la technicité du flow que par l’écriture plus hardcore de la part du MC de Cergy, à la violence loin d’être gratuite, puisqu’elle symbolise la saturation vis-à-vis des pressions policières et du mépris du gouvernement.
Malgré d’indéniables qualités individuelles, Martyrs Modernes laisse cependant un léger goût amer, avec ce sentiment de ne pas avoir profiter au maximum du potentiel de cette collaboration. Musicalement ainsi qu’à l’échelle de l’album, difficile de trouver à reprocher à cette combinaison de talents. Le disque, loin des durées épuisantes de nombreux projets hip hop, s’écoute avec grande facilité alors que certains sons (pour ne pas dire la plupart) transmettent un sentiment d’oppression par leur agressivité dure et lancinante. Sauf que textuellement parlant, des morceaux déçoivent par leur aspect freestyle, PCDTG en tête (toujours lui), complètement déstructuré dans ses paroles, que ce soit à l’intérieur même des couplets des quatre rappeurs qu’entre ces mêmes couplets. Ce manque de clarté dans l’écriture embrouille l’auditeur, un peu confus car incapable de vraiment saisir le propos propre de chaque morceau. On connaît les rappeurs indépendants pour ne pas forcément s’arrêter à une thématique par texte, mais aussi pour leur capacité à justement raccorder leurs paroles naturellement. Là où finalement le bas blesse, c’est devant la qualité autant musicale que textuelle de sons tels que Peine Capitale et Temps Perdu, où Pejmaxx, Néfaste et Ol Zico évoquent à leur manière et bien moins éparpillé les erreurs les ayant condamnées, eux et plus globalement ceux qui vivent en cité, et des regrets qui peuvent les tourmenter lors d’un travail introspectif d’une grande sincérité et maturité. Précisément, ce sont dans ces moments-là où s’entraperçoit une idée de ce qu’aurait pu être Martyrs Modernes si il s’était moins dispersé dans l’écriture. L’album reste solide, risqué même, mais se pose plutôt comme un bon « hors-sérié » dans la carrière des différents artistes.
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