Le 23 avril 2018
Une dénonciation radicale des violences policières, commises en mai 68, au plus près de l’âpreté des événements, bien loin du folklore commémoratif qui inonde l’espace médiatique, depuis des mois.
- Réalisateur : Jean-Luc Magneron
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Wide
- Durée : 1h57min
- Date de sortie : 25 avril 2018
- Festival : Festival de Cannes 1969
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Résumé : En dépit des assurances du gouvernement et des consignes d’extrême modération que le préfet de police de Paris Maurice Grimaud avait personnellement, par courrier, adressées à chacun des vingt mille hommes qui servaient sous ses ordres, les événements de mai 68 comportèrent leur lot de brutalités. Jean-Luc Magneron enquêta à chaud sur cet aspect d’un mois printanier qui ne fut pas si joyeux pour tout le monde, réunissant les expériences de victimes ou de témoins oculaires, qui évoquent, les uns, la violence des coups de matraques, les autres, l’usage abusif des grenades lacrymogènes ou encore le blocage des secours et les insultes à caractère raciste.
Notre avis : Ce documentaire sans concession ni effets de montage particuliers, se compose de témoignages, qui éclairent d’une lumière assez crue la violence des événements. Cette dimension du mai 68 estudiantin n’est pas si souvent abordée, en tout cas pas d’une manière aussi directe, à travers les propos de témoins ou d’acteurs des manifestations, souvent les deux. La grande force de ce film est sa proximité immédiate avec les faits, puisque les discours des uns et des autres ont été recueillis dans les jours ou les semaines qui ont suivi ce fameux mois de mai. Certains étudiants portent encore les stigmates des affrontements contre les forces de l’ordre : l’un d’eux, blessé par une grenade, sans illusion sur l’espoir de conserver son œil, dit sa haine des flics, prolongeant une phrase du réalisateur, pour le moins orientée. A de maintes reprises d’ailleurs, suivant un itinéraire de questions balisées, le documentariste poursuit un objectif : montrer que les violences policières ont été nombreuses. La majorité des réponses étaye, à partir de situations précises, d’anecdotes nombreuses, le plus souvent accablantes, une volonté chez certains de châtier l’étudiant, qui dément le propos liminaire et pontifiant du général de Gaulle. Non, tout n’a pas été maîtrisé dans le respect des individus, qui, par ailleurs, ne formaient pas un unique contingent d’anarchistes.
Plus on avance dans le film, plus on pense à l’attitude du préfet Grimaud, qui proscrivait l’usage d’une violence répressive, s’inquiétait de la tournure prise par les opérations. Or, en entendant ces récits circonstanciers, on ne peut pas affirmer que tous les gendarmes, policiers ou CRS ont obéi : ni à ce haut fonctionnaire, ni à leur plus immédiate hiérarchie, dont les injonctions s’avéraient globalement semblables, comme le rappelle un intervenant. Les brimades physiques et psychologiques ont été employées, jusque dans certains commissariats de police. Des jeunes, parfois totalement étrangers au mouvement, y ont été tabassés, humiliés, entassés dans des cellules où ils ont vécu une très grande promiscuité. Des jeunes filles ont subi des fouilles plus poussées que les intervenants évoquent par euphémisme. Chacun aura compris et frémira lorsque plusieurs jeunes hommes parlent de viols.
Sur le terrain, l’impression est celle d’une grande impéritie : des CRS s’en prennent à des gens qui n’ont rien à voir avec les manifestants, dès lors que ceux-ci se trouvent sur leur périmètre d’action. Plus grave encore : des grenades au chlore, ainsi que des gaz CB et CA, interdits par les conventions internationales, sont employés pour réprimer les manifestations. Quelques compagnies, plus vindicatives que d’autres, s’acharnent physiquement sur des étudiants à terre, mettant à distance les badauds qui tenteraient de leur venir en aide : il n’est jusqu’aux médecins ou infirmiers qui ne soient entravés dans leur tentative de secourir, tandis que les coups de matraque pleuvent. Ces comportements ne peuvent évidemment être imputés à l’ensemble des forces de l’ordre, et l’on reconnaîtra que ce film, pourtant à charge, rappelle aussi que des fonctionnaires de sécurité se sont comportés de manière correcte.
En fait, il est dommage que le documentaire ne leur donne pas du tout la parole. Mais pouvait-on imaginer qu’il le fasse et privilégie une polyphonie énonciative, comme l’historienne Ludivine Bantigny, dans son excellent ouvrage sur mai 68 ?
Toutefois, il est particulièrement intéressant que sorte cette œuvre inédite, au plus près de l’âpreté des événements, bien loin du folklore commémoratif qui inonde l’espace médiatique, depuis des mois.
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