Made In France - la critique du documentaire et le test DVD

Une surprenante leçon d’économie, drôle et sérieuse.

L’argument : Finis les interrogations et les grands discours politiciens : peut-on vivre 100 % français pendant une année ? Un jeune homme téméraire de 25 ans en a fait l’expérience, pour se rendre compte qu’il va devoir se passer de réfrigérateur pendant un an, qu’il n’y a plus qu’une entreprise de brosses à dents en France, et que son meilleur moyen de transport sera une vieille mobylette qui ne dépasse pas les 30 km/h (quand elle ne tombe pas en panne …) !

Notre avis : Du point de vue de la structure, Made in France est construit comme un exposé : une introduction, un déroulement quasi chronologique qui déroule les exemples ponctués par une image récurrente (un saut au ralenti sur fond blanc), et une conclusion qui reprend l’hypothèse de départ, en mesurant le chemin parcouru. Mais si le sujet est aride, le traitement dévoile des originalités qui font à la fois la force et le charme de ce documentaire étrange. Ce qui saute aux yeux, évidemment, c’est l’extrême personnalisation : Benjamin Carle ne traite pas seulement son sujet, il le vit. Il est l’expérimentateur et le commentateur de cette année 100 % française. Par ce procédé narratif, il fait bien plus qu’expliquer comme l’imaginerait un économiste. De plus, il joue le rôle d’un candide au pays du patriotisme, posant des questions, rencontrant des experts, s’entourant de graphismes incrustés. Là encore la construction est solide, qui alterne de manière classique problèmes et réponses d’acteurs divers.
Pour rendre son propos plus ludique (c’est une production Canal + !), les trois réalisateurs utilisent des procédés télévisuels (incrustations, schémas, graphiques), mais aussi des accélérés, des zooms, un montage rapide : il s’agit de ne pas perdre le téléspectateur, ni par le sérieux du propos, ni par une réalisation plan-plan. Autrement dit, le film zappe pour nous : les séquences sont courtes, la narration fragmentée. Et surtout on rit : on rit de voir Benjamin Carle échouer à faire démarrer sa mobylette, se couper les ongles des pieds avec un Opinel, suer à bâtir une étagère ou faire rentrer une machine à laver inappropriée dans sa cuisine.
Et il fallait bien ça : car si la réalisation joue la carte de la décontraction et du jeu, la réalité, malgré une fin optimiste, touche à la sinistrose. Les informations se succèdent, en voix off bavarde ou en entretien et on apprend beaucoup. Plus que les constats, cruels, sur ce que la France ne fabrique plus, Carle dénonce sans y toucher l’hypocrisie des hommes politiques (Mitterrand, Sarkozy, Marchais, Montebourg et Hollande se succèdent avec le même discours) qui agissent peu ou pas, des services publics qui commandent ou sous-traitent à l’étranger. L’opposition entre les discours et l’action est particulièrement féroce. Sans insister, le film révèle aussi nos travers contemporains : l’addiction au portable, l’irresponsabilité des consommateurs, l’utilisation d’un vocabulaire euphémique, notre incapacité à prendre le temps, à l’image du grand-père « patriote ». Ces maux auxquels nous ne prêtons plus attention, les voilà exposés, mis en lumière ; la leçon paraît alors cruelle. D’autant que le seul défenseur à l’écran du libéralisme, l’économiste Philippe Manière, déploie un argumentaire démenti la séquence d’après. Alors oui, on peut reprocher au film son parti-pris, mais c’est bien une œuvre de réflexion engagée, aussi souriante que sérieuse et qui nous porte à réfléchir.

Les suppléments

Au regard de la richesse du film, les cinq modules, de 10 minutes en tout, sont décevants. Des redondances, des scènes coupées qui n’apportent rien : tout juste apprend-on que le premier producteur d’accordéon est chinois.

L’image et le son :

La technique est de bonne facture télévisuelle : la limpidité est ici visée. L’image est « naturelle » selon les normes actuelles, le son, présent sur une seule piste 2.0, net et clair.