Le 15 avril 2024
Comme à chacun de ses longs métrages, Sébastien Lifshitz transforme ses personnages anonymes en de véritables héros du quotidien, grâce à la magie de son regard et la puissance émotionnelle de sa caméra.
- Réalisateur : Sébastien Lifshitz
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h44mn
- Date de sortie : 10 avril 2024
- Festival : Festival d’Angoulême 2023
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Résumé : "Bienvenue dans ma vie" : cette phrase, Sylvie Hofmann la répète à longueur de journée ou presque. Sylvie est cadre infirmière depuis quarante ans à l’hôpital nord de Marseille. Sa vie, c’est courir. Entre les patients, sa mère, son mari et sa fille, elle consacre ses journées aux autres depuis toujours. Et si elle décidait de penser un peu à elle ? De partir à la retraite ? En a-t-elle le droit, mais surtout en a-t-elle vraiment envie ?
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Critique : Sylvie Hofmann fait partie de ces femmes et de ces hommes qui ont été chaque soir applaudis depuis les balcons des villes de France, puis, soudain, que plus personne n’applaudit. Au contraire peut-être puisque justement le documentaire s’ouvre sur la menace d’une famille de porter plainte contre l’hôpital car la maman est décédée d’un cancer doublé de la Covid-19 et que les procédures en place interdisent qu’elle soit transportée en avion au Maroc. On la sent à cran, cette Sylvie Hofmann : plus de personnel disponible, des lits remplis, et des patients qui meurent chaque jour dans le service d’oncologie médicale où elle travaille. L’infirmière est aujourd’hui cadre de santé, elle va vivre ses derniers mois à l’hôpital car après quarante ans de loyaux services, elle s’apprête enfin à prendre sa retraite.
- Copyright AGAT FILMS - ARTE France - 2023
Madame Hofmann n’est pas seulement le portrait d’une femme (formidable) à l’hôpital Nord de Marseille. C’est d’abord le récit de toutes les équipes soignantes de France, qu’ils soient médecins, infirmiers, aides-soignants, ASH, qui œuvrent pour la très grande majorité d’entre eux magnifiquement au plus près des malades, dans une pénurie criante de matériaux médicaux et contre un salaire bien loin de rendre grâce à leur travail. Sébastien Lifshitz filme la vie, même si parfois sa caméra s’arrête devant des patients atteints de maladie très grave, ou si la protagoniste elle-même se sait condamnée d’avance à un cancer familial qui touche les générations de mères en filles. Cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête constitue presque un regain supplémentaire d’énergie. Elle confie les deux mille vies qui ont été les siennes, au secours d’enfants ou d’adultes mourant, à commencer par sa propre fille qu’elle a réanimée in extremis.
On se demande toujours comme Sébastien Lifshitz, film après film, parvient à rencontrer de tels héros du quotidien. On se souvient de l’immense Adolescentes qui l’a conduit à accompagner pendant une décennie deux jeunes filles ou encore de ces Invisibles qui vieillissent tranquillement, avec leur sexualité différente. Le réalisateur sait mieux que personne capter le merveilleux dans le regard de gens qui passeraient dans la vie réelle sans prêter plus d’attention. Il transcende le quotidien dans des figures magnifiques, incandescentes presque, qui magnifient la réalité. Le cinéaste cumule les récompenses les plus prestigieuses, et pour autant, il revient à chaque fois à la matière humaine la plus simple, la plus pure, qui n’a rien à voir avec de la fausse pudeur. Lifshitz aime l’humanité et il sait la rendre aimante. Sylvie Hofmann se livre à la caméra avec une grâce et une pudeur juste sublimes. Bien sûr, le film magnifie le métier d’infirmier. Bien sûr, Sylvie donne le meilleur d’elle-même devant la caméra. Mais derrière elle, il y a, comme un étendard, tous ces malades qui attendent d’être soignés ou de mourir, et qui pourraient être chacun de nous.
- Copyright AGAT FILMS - ARTE France - 2023
Madame Hofmann vient à point nommé dans un contexte où les ressources et les vocations manquent dans les métiers d’aide. En ce sens, le film a une portée quasi politique, permettant de prendre acte des salaires totalement disproportionnés par rapport aux efforts que les soignants prodiguent pour l’institution publique, mais aussi du découragement des jeunes professionnels qui ne confondent plus travail et vie personnelle. Le documentaire interroge les décisions politiques qui, depuis plus de trente ans, jour après jour, ont semé le doute dans l’esprit de celles et ceux qui pourraient penser devenir personnels hospitaliers. Les services comme ceux où travaille Sylvie Hofmann ont plus que besoin de l’investissement de femmes et d’hommes convaincus que la lutte pour la vie est le plus beau des combats.
Madame Hofmann est aussi le marqueur sensible et délicat du temps qui passe. Sébastien Lifshitz signe la fin d’une période, celle où nombre de salariés, par peur du chômage, ont travaillé plus que de besoin. Avec le départ en retraite de l’infirmière, s’ouvre un monde nouveau que de jeunes gens viendront habiter mais de façon sensiblement différente par rapport à leurs aînés. Il s’agit donc d’un film d’espoir, un cri poussé en faveur d’une humanité qui a toujours dû s’adapter et se renouveler.
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