Ma fille - la critique du film

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Notre avis : Attirée par les thèmes de transmission, d’émancipation et de choix de vie qu’il développe et qui la touchent personnellement, la comédienne Naidra Ayadi (César du meilleur espoir féminin en 2011 pour le film Polisse de Maïwenn) s’empare, pour sa première réalisation du roman de Bernard Clavel Le voyage du père écrit au milieu des années 60 et déjà transposé à l’écran en 1966 par Denys de la Patellière qui offrit alors à Fernandel l’un des plus beaux rôles de sa carrière.

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Un soir d’hiver dans un coin de campagne, un camion roule sur une route enneigée et dépose devant chez lui un ouvrier menuisier qui s’empresse de retrouver sa femme et sa fille autour d’un bon feu de cheminée et d’un sapin de Noël tout enguirlandé. Un cocon douillet qui ne tardera pas à se heurter à l’ambiance trépidante et anxiogène du Paris nocturne.

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Si le début de l’action se situe toujours dans la région du Jura si chère à l’écrivain Clavel, le couple de paysans jurassiens a été remplacé par une famille maghrébine, Lyon par Paris tandis que la petite sœur se substitue au fiancé du siècle dernier. C’est d’ailleurs cette toute jeune fille qui amorce le premier pas vers la modernité du 21ème siècle en suggérant à son père un voyage en BlaBlaCar qu’elle réserve elle-même sur son ordinateur. Sa propension à manier avec dextérité les nouveaux outils technologiques incite cet homme humble à satisfaire le désir de sa fille à l’accompagner dans cette ville qu’il pressent incompatible avec son mode de vie.
A travers leur errance dans un Paris à la noirceur exacerbée bien que somptueusement filmée se dessine le portrait touchant de cette génération d’immigrés qui ont tout entrepris pour améliorer le sort de leurs enfants, de ces hommes qui ont préféré taire la honte du déracinement et qui pour se rassurer ont choisi de se cadenasser dans des principes qu’ils pensaient immuables sans avoir pris conscience que leurs enfants, avides de cette nouvelle liberté mise à leur portée, n’y adhèrent plus depuis longtemps.

Copyright Christophe Brachet

Au-delà de ce que les événements lui révèlent de ses failles et carences, c’est bien la remise en question soudaine de ses certitudes éducatives qui va ébranler ce père aimant et compréhensif mais totalement perdu qui, poussé par l’amour qu’il porte à ses filles, va puiser en lui la capacité de se dépasser encore pour ne pas les perdre définitivement. Au gré des rencontres autour de personnages secondaires bien campés (des petits voyous sans envergure à la prostituée généreuse), de bars louches en clubs échangistes, l’émotion s’installe grâce à un scénario à la délicate évolution (malgré quelques incohérences que l’intérêt suscité par ce personnage attachant fait vite oublier) que l’interprétation toute en retenue d’un Roschdy Zem à la maturité émouvante achève de sublimer. La présence à ses côtés de la jeune Natacha Krief débordante de candeur et de spontanéité éclaire de la note nécessaire de fantaisie cette histoire intense et subtile qui force le respect.