Luna - la critique du film

Notre avis : Elle n’a pas froid aux yeux, cette Luna. Elle n’est pas à un vol près non plus, a fortiori d’un chiot réputé cher dans une ferme perdue dans la campagne du sud de la France. Elle ne pose pas toujours les limites au bon endroit, ou du moins elle se laisse embarquer dans des situations qui très vite vont la dépasser. Mais derrière la gouaille apparente de la jeune-femme, se cache une adolescente fragile, déterminée certes à s’en sortir, mais piégée dans des schémas où les hommes se confortent dans leur virilité par la domination et la manipulation mentale voire physique.

(C) Pyramide Films

Le tableau est dressé d’une jeunesse désabusée. Le récit se passe à Montpellier, dans cette ville inondée de soleil, où l’on aperçoit comme une récurrence de la modernité, le tramway qui passe et repasse. Elle partage sa vie entre la maison avec sa mère, le maraîcher où elle travaille, et sa bande de copains, avec Ruben au cœur qui est loin d’être le plus recommandable de tous. Le projet d’Elsa Diringer pouvait basculer dans le casse-gueule mélo, tant la présentation si abrupte de cette jeunesse méridionale, perdue entre l’alcool, la drogue et le manque de repères, faisait craindre le stéréotype. La réalisatrice connaît bien la population des banlieues puisque la plupart de ses courts-métrages ont trouvé leur inspiration dans les dits quartiers sensibles. Le regard flirte toujours avec le risque du grotesque dans ce portrait de la jeunesse. Mais grâce à une sensibilité aiguë, et un sens surtout de la mise en scène, le propos étonne de par sa maturité sociale. Le scénario a le souci de l’à-propos avec des dialogues où abondent les vocables colorés de la jeunesse d’aujourd’hui qui rappellent au spectateur certaines tensions générationnelles, telles qu’elles se posent dans nos sociétés contemporaines.

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Elsa Diringer a la sens de la conduite d’acteurs. Laëtitia Clément, qui comme son acolyte Rod Paradot, a été rencontrée dans un lycée par une directrice de casting aventureuse. Elle a la fraîcheur et la profondeur d’une toute jeune actrice qui à la fois, donne beaucoup de sa propre jeunesse dans ce rôle, et en même temps, est capable de décliner une panoplie d’émotions et de ressentiments incroyables que bien des actrices confirmées pourraient lui envier. Elle joue avec les mots, passant du registre vulgaire à l’écorchée vive, elle compose avec des attitudes multiples en étant capable d’incarner la joie, la tristesse, la culpabilité et la grossièreté tout à la fois. Les comédiens professionnels comme Juliette Arnaud ou Frédéric Pierrot offrent le devant de la scène à cette jeune comédienne qui n’est pas sans rappeler la Sandrine Bonnaire d’A nos Amours en son temps.

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L’autre grande surprise demeure Rod Paradot. On aurait pu imaginer qu’après La Tête Haute, il en reste aux espoirs de passage. Bien au contraire, le jeune homme de 21 ans offre un rôle tout en sensibilité et en nuance. C’est d’ailleurs lui qui permet au film de ne pas succomber à la facilité d’une présentation sociologique d’une jeunesse perdue et hors sol. Il y a chez lui une ingénuité qui le rend absolument touchant. Et la fin du film fait resurgir le garçon zélé et révolté qu’il avait donné à voir dans le film d’Emmanuelle Bercot.
Luna est une très belle surprise dans un cinéma français qui a tendance à s’enliser dans des contemplations très narcissiques empreintes du parisianisme ambiant. Le film émeut au contraire de par son énergie, son ouverture et le formidable espoir qu’il dégage.