Pornographie dépressive et érotisme neurasthénique
Le 24 octobre 2015
Like Cattle Towards Glow est le premier essai cinématographique de l’écrivain américain Dennis Cooper et de l’artiste visuel Zac Farley qui nous plonge, au travers de cinq segments divers, dans un monde parallèle où se côtoient fantasmes morbides, pulsions violentes, désirs refoulés, intellectualisme dépressif et amoureux solitaires.
- Réalisateurs : Dennis Cooper - Zac Farley
- Acteurs : Raphaël Bouvet, Nicolas Hau, Gabriel Norman, O.B. De Alessi
- Genre : Drame, Érotique
- Nationalité : Français, Canadien, Allemand
- Durée : 1h33mn
- Festival : L’Étrange Festival 2015
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"Like Cattle Towards Glow" est le premier essai cinématographique de l’écrivain américain Dennis Cooper et de l’artiste visuel Zac Farley qui nous plonge, au travers de cinq segments divers, dans un monde parallèle où se côtoient fantasmes morbides, pulsions violentes, désirs refoulés, intellectualisme dépressif et amoureux solitaires. Un film étrange, épuré, serré au plus près de visages - principalement des adolescents blasés - qui, derrière le minimalisme glacé et l’absurde des relations humaines, cache un langage émotionnel insolite qui ne sera certes pas du goût de tout le monde.
L’argument : À travers cinq récits en apparence déconnectés, les pensées, désirs et fantasmes de 13 jeunes.
Notre avis : Adapter un univers littéraire à l’écran n’est jamais une entreprise aisée. Alors quand l’annonce du premier film de l’immense écrivain américain Dennis Cooper est tombée, nous étions plus qu’intrigués. Cooper est l’auteur d’un bon nombre de livres subversifs, éminemment poétiques, explorant la complexité du désir chez de jeunes garçons en quête d’identité dans un environnement violent, pulsionnel et morbide. Salopes, Défaits, Frisk, Period, autant de titres qui dressent un univers érotique et terrifiant à la fois, porté par une écriture minimale, clinique, que certains jugent même de "dépressive". Collaborateur de longue date avec la metteuse en scène Gisèle Vienne (pour de nombreuses réussites dont l’excellent Jerk), Dennis Cooper est installé depuis de nombreuses années à Paris. C’est en se joignant à l’artiste visuel Zac Farley qu’il réalise Like Cattle Towards Glow avec un casting essentiellement français. Cinq segments, cinq rencontres. Des personnes qui cherchent à assouvir un désir et une sexualité marginale. Des regards. Des visages. Et parfois des mots. Une épure déstabilisante, qui renvoie indéniablement aux romans et nouvelles de Dennis Cooper au début du film, mais qui intègre de plus en plus d’humour et d’étrangeté au fur et à mesure qu’on avance dans le métrage.
Le premier segment est sûrement le plus emblématique de l’univers de Cooper et de l’esthétique du film. Une caméra resserrée sur les expressions faciales. Une ambiance froide et glacée. Un décor réduit au strict minimum. Un fantasme mis en scène par des adolescents dont on ne sait rien. Un personnage qui ne peut jouir que si l’autre corps mime la paralysie de la mort. Eros, Thanatos. L’excitation réduite à un langage en opposition complète avec les représentations traditionnelles de l’érotisme au cinéma. Pourtant, le film était au départ une commande d’une société spécialisée en pornographie. Le résultat ne peut pas en être plus éloigné. Cela dit, le structure en cinq séquences, comme l’explique Dennis Cooper dans l’entretien que nous avons eu avec lui L’interview des réalisateurs, a été dictée par le format habituel des films porno gay. Si les mouvements sont lents, ils n’en dégagent pas moins un sentiment d’attente, où le moindre mot, la moindre hésitation, la moindre maladresse revêt un aspect théâtral et spectaculaire. Cela se transforme en véritable tension, en une retenue qui explose dans le deuxième segment, où le silence laisse place à une boucle sonore massive et obsédante lors d’un concert dans une cave obscure. Le chanteur se lance dans un spoken word et livre de manière poignante des événements de sa vie en remontant dans le temps, alors que des membres du public l’agressent et tentent de le violer comme si cela faisait partie de la performance. Si le dispositif peut sembler artificiel au début, il se dégage une émotion véritablement bouleversante. Ce lieu fermé sur lui même, avec ce chanteur lui même recroquevillé, devient alors une vision du monde. La détresse ici devient spectacle, et personne ne semble se soucier de la douleur évoquée. C’est dans cette dimension torturée et aussi dans la force des non dits que le film trouve ses meilleurs moments.
En revanche, dès le troisième segment, l’artificialité est mise plus en avant, d’autant plus que les comédiens non professionnels s’expriment dans un anglais qui n’est pas leur langue maternelle. L’absurde, l’étrange et l’humour pointent leur nez, et s’affirment de façon plus réussie dans les déroutantes quatrièmes et cinquièmes séquences où tout un monde parallèle est créé, sans plus aucun lien avec le réel. Objet insolite, Like Cattle Towards Glow pourrait être une version contemplative du cinéma de Larry Clark, même si cette comparaison semble très superficielle. D’autres pourraient parler d’une approche photographique des choses, comme si chaque scène n’avait pour but que d’aboutir à un moment figé, fixe, qui résume en lui seul tout ce qui a précédé. Mais là encore ce serait un discours simpliste. Zac Farley et Dennis Cooper inaugurent un langage visuel ultra personnel qui, malgré ses maladresses, ses tentatives plus ou moins heureuses et son budget restreint, offre de purs moments d’émotions. Au final, Like Cattle Towards Glow n’est pas tellement un film qui collecte des fantaisies perverses, mais plus une réflexion sur la solitude. La pire, celle que l’on partage à deux.
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