Sorcières sacrées
Le 30 juillet 2021
Documentaire sportif pertinent et percutant, Les Sorcières de l’Orient serait pleinement convaincant s’il ne pâtissait pas d’une musique quelque peu envahissante et d’effets visuels déroutants.
- Réalisateur : Julien Faraut
- Acteurs : Kinuko Idogawa, Yoshiko Kanda, Yoko Tamura, Katsumi Chiba, Yuriko Nakajima
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : UFO Distribution
- Durée : 1h44mn
- Date télé : 15 juin 2022 20:40
- Chaîne : OCS City
- Date de sortie : 28 juillet 2021
- Festival : Festival international du documentaire de Biarritz, Festival international du film de Rotterdam (Big Screen Competition)
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Résumé : Les joueuses japonaises de volley-ball surnommées les “Sorcières de l’Orient” sont aujourd’hui septuagénaires. Depuis la formation de l’équipe à l’usine, jusqu’à leur victoire aux Jeux olympiques de Tokyo en 1964, souvenirs et légendes remontent à la surface et se mélangent inextricablement.
- Copyright : UFO Distribution
Critique : Responsable du fonds audiovisuel de l’Institut National du Sport (Insep), Julien Faraut nous fait redécouvrir, après avoir montré, dans L’empire de la perfection, les excès du tennisman John McEnroe, les exploits de la plus légendaire équipe féminine nationale de volleyball du Japon. Surnommées par la presse soviétique « Sorcières de l’Orient », les joueuses étaient, en outre, entraînées par un "demon coach", Daimatsu Hirofumi, aux méthodes d’abord éprouvées dans l’armée japonaise durant la Seconde Guerre mondiale.
Des années 60 aux années 80, ces jeunes femmes ont travaillé le matin et se sont entraînées l’après-midi, parfois jusque tard dans la soirée, au sein de l’usine textile de l’entreprise Nichibo à Kaizuka, au sud d’Osaka, deux activités que le montage met en parallèle et en lien, soulignant leur répétitivité, pour ne pas dire leur mécanisation : de fait, afin de renforcer la cohésion de groupe, la pratique du volley-ball avait été développée par cette industrie à destination de sa main-d’œuvre, principalement féminine, chaque grande compagnie formant une équipe professionnelle.
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Mais ces joueuses vécurent aussi et surtout une épopée durant laquelle elles enchaînèrent, entre 1960 et 1966, deux cent cinquante-huit victoires dont la plus symbolique fut celle des Jeux Olympiques de Tokyo en 1964. Car elle eut lieu le dernier jour d’une compétition qui aurait dû se dérouler en 1940, alors que, le matin même, le champion nippon Akio Kaminaga venait de perdre, au Kodokan, le temple du judo, la première médaille d’or "toutes catégories" de l’histoire des Jeux dans cette discipline.
Le seul moyen de sauver l’honneur du Japon était donc de monter sur la première marche du podium de l’autre sport qui venait de faire son entrée dans la compétition, le volleyball : mais il fallait, pour ce faire, vaincre l’équipe soviétique que les Sorcières avaient battue, contre toute attente, lors des Mondiaux de Moscou en 1962, et qui n’aspiraient qu’à une revanche.
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En disciple revendiqué de Chris Marker, Julien Faraut s’emploie avant tout à recueillir leurs témoignages, laissant raconter elles-mêmes leurs exploits à des femmes, issues du peuple et souvent orphelines, qui n’ont eu que peu l’occasion de s’exprimer à ce sujet : devenues de sémillantes septuagénaires, elles se remémorent, autour d’un repas, les exercices répétés jusqu’à la nausée d’un entraîneur, qui fut présenté par la presse occidentale comme un tortionnaire.
Pourtant, elles associent davantage, pour leur part, sa discipline rigoureuse et son rythme de travail effréné à une culture nationale de l’effort. Car il faut bien entendu associer l’acharnement de l’équipe à devenir et rester invincible et ceux du Japon de l’après-guerre pour, juste avant les vingt ans de sa capitulation, revenir sur la scène internationale et reconquérir, sur le plan économique, son rang de puissance mondiale.
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Refusant le truchement de la voix off, Julien Faraut s’emploie également à monter son matériau de façon à tenter de restituer l’expérience des joueuses sur le terrain. Et, afin de souligner la construction médiatique à l’œuvre tout au long de leur épopée, le réalisateur mêle avec fluidité et talent les images d’archives tirées d’un court film technique qui restituent toute leur concentration et leur ténacité, à celles des animes fictionnalisant leurs prouesses, qui montrent leurs spectaculaires réceptions en roulades, inspirées des culbutos darumas.
Car, repris par la culture populaire, l’exploit des jeunes femmes a servi de base à un manga, devenu une série d’animation, Attack n°1, dont une des plus célèbres déclinaisons sera celle connue, en France, sous le nom de Jeanne et Serge. Le contraste avec cette iconisation n’en est d’ailleurs que plus frappant lorsque le documentariste filme ces anciennes gloires dans l’anonymat de leur quotidien, entre petits-enfants, salles de musculation et activités associatives...
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Les Sorcières de l’Orient est donc un film à voir, de surcroît au moment où le Japon accueille de nouveau les Jeux olympiques. On regrettera tout de même que la musique, qu’il s’agisse de pièces originales composées par Jason Lytle, le leader du groupe Grandaddy, ou de morceaux préexistants, tranche trop souvent, et ce bien que leur insertion semble avoir été particulièrement travaillée par le réalisateur, avec la période des événements.
De même, il est surprenant que, par des effets visuels quelque peu pompiers qui fusionnent images d’époque et grammaire du cinéma d’animation, le réalisateur paraisse inciter le spectateur à ne plus faire la distinction entre la légende née de l’épopée des Sorcières et la réalité de leur performance humaine, trop humaine.
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