Les âmes mortes
Le 19 mai 2010
Les secrets est un huis clos claustrophobe où les femmes cherchent leur place et leur identité. Une œuvre fascinante de par ses personnages névrotiques et son univers décalé quasi anachronique.
- Réalisateur : Raja Amari
- Acteurs : Hafsia Herzi, Soundes Bel Hassen, Wassila Dari, Rim El benna , Dhaffer L’Abidine
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Suisse, Tunisien
- Date de sortie : 19 mai 2010
L'a vu
Veut le voir
– Durée : 1h31mn
Sous ses airs de huis clos claustrophobe, où des femmes cloitrées cherchent leur place et leur identité à l’écart des hommes, Les secrets est une oeuvre fascinante.
L’argument : Aicha, Radia et leur mère vivent à l’écart du monde dans une maison à l’abandon dans laquelle elles ont déjà travaillé comme domestiques.
Leur quotidien vacille le jour où un jeune couple vient s’installer dans la maison. Les trois femmes cachent leur existence aux nouveaux venus de peur d’attirer l’attention sur leur situation et d’être chassées.
En effet, elles cachent un secret inavoué...
Notre avis : A voir les trois femmes, personnages centraux de Les secrets, dont les vêtements cachent la peau, sans jamais dévoiler leurs rondeurs féminines, il est impossible d’estimer avec certitude à quelle époque se déroule le long-métrage. Ces femmes étant enfermées dans une maison depuis un temps indéterminé, leurs tenues et leur mode de vie ne sont pas le reflet de leur époque, mais celui d’un passé somme toute assez lointain. Ce n’est que lorsqu’un couple investira la demeure qu’elles squattent et qu’ils inviteront leurs amis, que l’on pourra comprendre que l’action se situe dans un temps contemporain. Le décalage entre les convives du couple et ces femmes est fort, marquant une rupture entre deux visions du monde, deux temporalités, à la manière des Autres d’Alejandro Amenabar.
- © Sophie Dulac Distribution
Le charme du second long-métrage de Raja Amari se situe dans sa photographie, très contrastée, marquée par les clair-obscur, donnant aux visages une teinte singulière, hors du temps, légèrement éthérée, rappelant les toiles de Vermeer. Parce qu’elles se terrent, les trois héroïnes ne prennent pas part à la vie de la société et n’y trouvent pas leur place ; elles se fondent dans l’obscurité. Lorsqu’elles se rendent en ville, le ciel n’est pas étincelant, il est même voilé, mais la lumière est vive et les décors sont nettement visibles. Tout le monde peut se fondre dans cet environnement, mais pas ces femmes qui ne peuvent se résoudre à une vie communautaire dans laquelle elles n’ont aucune confiance : elles perçoivent le monde extérieur comme néfaste. Cette méfiance de tous les instants instaure un climat paranoïaque et névrotique, à la limite de l’obsession.
- © Sophie Dulac Distribution
Les secrets est indéniablement un « film de femmes », au sens où les principales protagonistes ne fréquentent ni ne connaissent d’hommes. Le seul personnage masculin qui prenne sa place dans le récit est celui du couple mais, pas une seule fois, nous ne pourrons découvrir nettement les traits de son visage. Par ailleurs, cet individu ne tient pas le beau rôle. Entre elles, les femmes se protègent, s’auto-satisfont mais se violentent également pour préserver leur univers cloisonné. Si l’on devine que les deux plus âgées (la mère et la sœur aînée) ont vécu dans le monde extérieur et fréquenté des hommes, la plus jeune - Hafsia Herzi - elle, n’a connu que la captivité ; elle n’a jamais rencontré son père et encore moins l’amour. Veillant malgré tout à sa virginité, ses aînées la maintiennent à un stade enfantin, presque animal, à l’heure où la jeune fille, face à sa féminité en devenir, se cherche et se transforme, cherche à plaire, même si elle ne fréquente personne. Les hommes apparaissent comme la cause de leur repli du monde mais, le plus longtemps possible, Raja Amari se garde bien de révéler les raisons d’un rejet aussi radical.
- © Sophie Dulac Distribution
Les secrets révèle des rapports dominants-dominés, d’autant plus injustes que la plus jeune n’a jamais rien connu d’autre que ce carcan obscur. Mais, instinctivement, elle perçoit qu’il existe un autre univers que celui, claustrophobe, dans lequel elle est enfermée. Si les hommes sont haïs dans son milieu, la féminité est, quant à elle, niée. La jeunesse et l’impétuosité de l’adolescente deviennent le vecteur du désir et de l’ouverture au monde. Raja Amari réalise ainsi une œuvre féminine mais pas féministe, un cri libératoire envoutant.
- © Sophie Dulac Distribution
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.