Les producteurs

La version comédie musicale du premier long métrage de Mel Brooks. Un film à l’écriture réjouissante mais dont les numéros chantés finissent par lasser puis écœurer le spectateur. Dommage.

L’argument : A Broadway, Max n’est plus que l’ombre du flamboyant producteur qu’il fut autrefois. Lorsque Léo, son comptable, lui révèle que le plus grand des bides peut être une excellente affaire, Max est tout de suite intéressé. Leur plan est simple : trouver la pire pièce, le plus mauvais des metteurs en scène, monter le tout grâce au financement d’investisseurs crédules, et laisser venir le désastre pour se sauver avec l’argent ! Malheureusement pour lui et son complice, rien ne va se passer comme prévu...

Notre avis : Les producteurs est le remake du premier film de Mel Brooks, sorti en 1968, qui obtint l’Oscar du meilleur scénario et offrit à son réalisateur une reconnaissance immédiate. Enfin non, ce n’est pas aussi simple que cela. Les producteurs est en fait l’adaptation cinématographique du spectacle de music-hall du même nom qui était lui-même une adaptation du premier film de Brooks ! Chemin sinueux, s’il en est, qui aboutit donc à cette reprise sous forme de comédie musicale. Remarquons d’emblée que l’existence même de ce long métrage prouve à quel point le propos initial de Mel Brooks est toujours d’actualité : les producteurs pensent avant tout à s’en mettre plein les poches au lieu de se préoccuper du public. Autrement dit, sans le succès de la pièce à Broadway, le film n’aurait jamais vu le jour. On peut donc regretter que la sincérité du premier film de l’auteur se soit changée, près de quarante ans après, en un cynisme gênant, quoique sans doute involontaire. Passons.
Pour ce qui est du film lui-même, le bilan est mitigé. La première heure est plutôt réussie dans le genre comédie loufoque, avec des acteurs au bord de la rupture qui en font des tonnes et se vautrent joyeusement dans la caricature (voir le savoureux passage chez le metteur en scène gay). Mais si cela fonctionne aussi bien, c’est surtout grâce à Mel Brooks dont la plume trempée dans l’acide continue encore à faire des miracles après quatre décennies. Cette histoire de pièce de music-hall, écrite par un néo-nazi, mise en scène par un gay hystérique et montée par des producteurs véreux, est d’une insolence réjouissante et aurait sans doute eu beaucoup de mal à exister de nos jours.

Alors bien sûr la réalisatrice Susan Stroman (qui était chorégraphe du spectacle) a beaucoup de mal à nous proposer autre chose que du théâtre filmé, ce qui empêche l’œuvre de véritablement décoller, mais, encore une fois, le pouvoir des mots atténue en partie cette déficience.
En partie seulement car, une fois cette première heure passée, les choses se gâtent. La verve de Brooks s’atténue et la répétition des numéros musicaux lasse de plus en plus. Le film s’étire péniblement jusqu’à son terme, que l’on accueille avec soulagement tant le spectacle s’était changé soudainement en un énorme pudding indigeste. C’est bien simple, le spectateur en est réduit à prier pour que les personnages arrêtent de chanter. Certes, quelques éclairs comiques viennent fouetter la pellicule de temps en temps, mais cela reste insuffisant et il faut prendre son mal en patience avant d’apercevoir le bout du tunnel (2h15 tout de même !).
Malgré un bon début, le film nous laisse donc une très mauvaise impression et nous fait regretter la forme plutôt que le fond. Espérons que cette deuxième variation soit la dernière. Mel Brooks lui-même s’en amuse puisqu’il vient d’annoncer "Les producteurs en version pâte à modeler !" Ne rions pas trop vite, tout peut arriver !