Les percutés

Voilà une première œuvre assez inclassable. De son propre aveu, Gérard Cuq, qui a déjà plusieurs téléfilms à son actif, souhaitait réaliser un long métrage qui mélangerait un peu tous les genres : thriller, comédie, action, fantastique, histoire d’amour. En clair, quelque chose de délirant et d’inattendu, "comme dans la vie", ajoute-t-il.

Intention louable, d’autant que le sujet s’y prête à merveille : l’inspecteur Bruno Lussac, dit Débé (Christophe Laubion), se fait avaler sa carte de crédit dans un distributeur. Quand il apprend qu’il est interdit bancaire pour un découvert de sept cents francs, Débé pète carrément les plombs : il entraîne ses collègues Sniper (Tomi Cristin), Spirou (Denis Karvil) et Cyborg (Ingrid Chauvin) dans le braquage de la banque et provoque un bain de sang. Commence alors une folle cavale qui va les mener directement... à l’asile ! Il s’agit en fait de l’hôpital psychiatrique Bel-Air, où la bande va tenter de faire soigner Lagache (Eric Métayer), un indic blessé dans la fusillade. Mais le RAID encercle le bâtiment et les quatre policiers devenus bandits prennent les malades en otage.

Le projet de Gérard Cuq pour son premier film au cinéma était très ambitieux. Pour maîtriser un tel sujet et donner une cohérence à cet illogisme voulu, il aurait fallu un réalisateur expérimenté. Faute de quoi la maison de fous non contrôlée tourne vite à la cacophonie cinématographique.

Le film ne manque pourtant pas de qualités, la principale étant son ton profondément subversif. Les Percutés frappe fort et vous en mettra plein la vue. Le rythme débridé lui donne des allures de clip géant et assène une violence qui dépasse largement celle des actes, nombreux mais sans complaisance superflue. La vraie violence de ce film est mentale : elle réside dans l’effondrement de toutes les personnalités, incapables de supporter l’enfermement et le déraillement de la réalité.

Cette fresque délirante met en scène de nombreux personnages secondaires. Du para karateka à la danseuse nymphomane, des jumeaux givrés à la fervente illuminée, Gérard Cuq nous propose une galerie de caractères peu commune au cinéma. Dans ce domaine, les comédiens s’en tirent assez inégalement. Certains parviennent malgré tout à crayonner leur personnage dans la mesure où le scénario le leur permet, d’autres s’enfoncent dans la caricature.

Enfin, comme c’est le cas pour beaucoup de premières réalisations, les clins d’œil et les références cinématographiques se ramassent à la pelle. Là encore, Les Percutés abolit les frontières des genres et oscille allègrement entre La Nuit des morts vivants et Hellzapoppin. Un mélange déroutant, à l’image de ce film.