Le 2 novembre 2018
- Genre : Cinéma
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Une croisade pour le bon mot qui égratigne, mais le choix des pamphlets peut laisser sur sa faim, sans vraies notes d’intentions.
Résumé : Chefs-d’œuvre ou nanars, tous les films passent sous le feu de la critique. Et si certains mots sont bien pesés, d’autres détonnent particulièrement. La preuve : « Ce film est nullissime… mais j’ai pas envie d’en dire du mal. » « Dire que si E.T. avait atterri en URSS, on n’en aurait jamais rien su ! » « Essayer de résumer Matrix n’est pas de tout repos. Voir le film non plus. » « Pour moi, c’est un sommet ! Comme je suis poli, je ne vous dirai pas de quoi ! » Laurent Bourdon, journaliste et chroniqueur cinéphile, recense dans ce livre le meilleur de la critique cinématographique – drôle, décapante, assassine, dithyrambique, décalée, impertinente – parue depuis les années cinquante jusqu’à aujourd’hui. Vive la critique !
Notre avis : Tout n’est pas à garder, mais certains moments sont cocasses.
La compilation d’extraits de critiques du journaliste Laurent Bourdon se veut drôle, impertinente, assassine. Pour autant, on peut souvent trouver les litres de bile un peu sobre en 2018, au vu des commentaires haineux des internautes, cinéphiles en herbe et autres blogueurs sur la toile.
L’ouvrage de Bourdon (l’impeccable Définitivement Belmondo, en 2017) demeure dans les canons assez bienséants d’une critique ronde, celle qui a prospéré dans les filets de rédactions fondatrices de la cinéphilie française ces 70 dernières années, puisque de très nombreux extraits remontent aux années 50 (on y retrouve même Autant en emporte le vent, puisque celui-ci, en raison de la Seconde Guerre mondiale, a vu sa sortie décalée de 1939 à 1950 !).
L’éventail peut apparaître parfois sobre, comme ici, au sujet du Da Vinci Code : [Audrey Tautou] a du mal à croire qu’elle est descendante de Jésus-Christ, nous aussi.. L’exemple pris ici est banal, jamais assassin comme l’annonce la couverture. Mais in fine, c’est dans le nom de la journaliste, Marie-Noëlle "Tranchant", qui écrivait ici pour Le Figaro, que l’on trouve la rédemption dans cet avis très consensuel. Une note d’ironie involontaire ?
On préférera, page suivante, cet extrait de L’Evénement du jeudi, qui ose écrire au sujet de Matrix, que le film masturbe Descartes jusqu’à la rupture d’anévrisme : "Ne pense pas, sois sûr." [...] Keanu Reaves est Néo, une sorte de Jésus couillu. L’implication religieuse est ici féroce et réveille les consciences. Le critique est armé d’une plume à l’encre biliaire, suggérant la lâcheté de J.C.?
Attention, tout n’est pas mièvre ni sans saveur, citons la bile de Jean-Philippe Tessé, pour Les Cahiers, qui évoque Mal de Pierres, de Nicole Garcia, en termes de téléfilm du dimanche soir à base de calculs rénaux.... C’est drôle, sardonique, puissant dans sa réduction de l’œuvre aux coliques... Pour autant, avec une interrogation de la part de l’auteur quant au rôle réel du critique, en préambule, la plume vipérine passerait mieux.
La critique peut-elle se permettre aujourd’hui de souvent déraper ainsi ? La gratuité dans le monde 2.0. donnerait plutôt aux distributeurs et aux attachés de presse la tentation d’un blacklisting, pour peu que l’on n’appartienne pas à la tour d’ivoire des géants de cet art raffiné, sur lesquels, premier concerné, Truffaut ironisait en 1957, voir la citation très à-propos qui ouvre l’ouvrage sur l’échec professionnel de ceux qui se reconvertissent.
En quelques phrases, le journaliste aurait dû s’interroger sur le pourquoi et le pour quoi de cette prose. S’agit-il de vendre plus qu’un avis aux lecteurs ? De flatter son égo et assouvir son sentiment de supériorité ? De faire montre d’un pouvoir déplacé de vie et de mort sur l’œuvre d’un artiste ? Est-ce vraiment gratuit, et donc de la bêtise crasse ?
Effectivement, ce qui manque le plus, finalement, dans cet ouvrage, outre cette note d’intention, c’est une préface en béton armé, pour nous diriger dans les méandres d’un assemblage sans thématique, ni même chronologie de ces "pépites" qui se repèrent surtout par la typologie variée, à raison de deux-trois extraits par page.
Un mauvais bouquin ? Loin de là, car on s’y amuse vraiment ! Les pépites de la critique cinéma, malgré son peu de curiosité pour la culture web, qui représente quand même plus de 15 ans d’histoire du cinéma, se savoure pour le plaisir des phrases crue(lle)s, se relit facilement, se partage en soirée, s’échange. Bref, le livre perpétue la communication obsessionnelle autour du cinéma et rabat le clapet au mythe de la subjectivité maîtresse, car dans bien des cas, les grands noms cités ont été contredits par l’Histoire, comme quand Le Monde égratigne Buñuel et surtout Belle de jour, en 1968 : Buñuel étant Buñuel, le pire n’arrive pas, mais nous le frôlons à plusieurs reprises. A vrai dire, on aime lire cela.
144 pages
Format 140 x 200 mm
Parution :octobre 2018
Marque : Dunod
Galerie photos
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