Le premier cri
Le 4 avril 2010
Bouleversant, Les murmures du vent aborde le drame du génocide kurde avec pudeur et dignité.
- Réalisateur : Shahram Alidi
- Acteurs : Maryam Boubani, Fakher Mohammad Barzani, Omar Chawshin , Valid Marouf Jarou
- Genre : Drame
- Nationalité : Irakien
- Date de sortie : 31 mars 2010
L'a vu
Veut le voir
– Durée : 1h17mn
– Titre original : Sirta La Gal Ba
Bouleversant, Les murmures du vent aborde le drame du génocide kurde avec pudeur et dignité.
L’argument : Mam Baldar, l’oncle aux ailes, exerce depuis bien longtemps le métier de postier dans différents villages de montagne au Kurdistan Irakien. Mais il n’est pas un postier comme les autres puisqu’il transmet des sons et des paroles enregistrés sur des cassettes. Un jour, un commandant des partisans, loin de chez lui, demande d’enregistrer les premiers pleurs de son enfant qui va naître prochainement. En se rendant dans ce village, le postier découvre que tous les enfants ainsi que la femme du commandant ont été conduits dans une vallée éloignée afin d’assurer leur sécurité, et il se met donc en route pour les rejoindre là où ils sont.
Notre avis : Des pleurs de bébé émis par une radio résonnent et réjouissent tous ceux qui se trouvent dans les contrées les plus reculées du Kurdistan irakien. Un instant de répit, une joie intense transparaît, le temps est suspendu : une renaissance. Les murmures du vent évoque les difficultés de la population kurde à conserver intact leurs liens familiaux, à être reliés, se percevoir, se voir, s’entendre, du temps du régime de Saddam Hussein. Pour ces habitants coupés du monde, le moindre son, la moindre nouvelle prend une dimension providentielle. Un bonheur pleinement ressenti. Le héros de ce long-métrage ne se prend pas pour tel ; passer de village en village pour enregistrer les messages des habitants destinés à leurs proches lui paraît être sa mission, son devoir. Il incarne le relai entre ces populations isolées et meurtries par les crimes perpétrés par un gouvernement totalitaire.
- © Les Acacias
Il est souvent reproché aux œuvres de fiction traitant d’un génocide - et particulièrement celles évoquant la Shoah - d’aborder ces drames sous un angle mélodramatique, « d’affadir la réalité » pour reprendre les termes de Jacques Rivette dans son article De l’abjection [1] . L’auteur s’attache à démontrer que ces crimes sont irreprésentables au cinéma, qu’ils ne peuvent et doivent pas être figurés car « chacun s’habitue sournoisement à l’horreur, cela rentre peu à peu dans les murs, et fera bientôt partie du paysage mental de l’homme moderne ; qui pourra, la prochaine fois, s’étonner ou s’indigner de ce qui aura cessé en effet d’être choquant ? ». Les murmures du vent témoigne de front de l’Anfal, le génocide kurde. Shahram Alidi a choisi de ne pas montrer les actes de barbarie mais de se concentrer sur le quotidien des kurdes sous ce régime totalitaire, de leur courage face aux brimades subies, de leur volonté de continuer à vivre malgré la douleur qui devient synonyme du quotidien.
- © Les Acacias
Le cinéaste prend du recul, sa caméra reste à distance ; il n’est pas question qu’elle devienne un outil de voyeurisme malsain. Le personnage principal a une femme qu’il chérit. Il ne lui dira pas un mot, mais son affection transparaît par la grâce d’une caresse dans les cheveux. Shahram Alidi respecte l’intimité de ses personnages et filme la séquence de loin, par un plan d’ensemble sur les paysages magnifiques du Kurdistan dans lequel ce couple prend ses racines. De même, des massacres nous ne voyons que des terres désolées, du vide, l’absence. Et les souvenirs. Le souvenir. L’horreur est perceptible dans chaque élément de la nature dévastée et pourtant resplendissante qui nous est donnée à voir. Par ce qui n’existe plus, nous savons ce qu’il manque : la vie. Le personnage principal passe par un vaste cimetière où les victimes de Saddam Hussein sont enterrées. Cela se passe de tout commentaire, de gros plans ou de larmes ; l’affliction nous envahit et l’on reste marqué longtemps par ces images, cette horreur : on ne s’y habitue pas.
- © Les Acacias
- © Les Acacias
[1] Rivette Jacques, De l’abjection in Les Cahiers du Cinéma 120, Juin 1961, pp.54-55
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.