Les mauvais joueurs

Une fiction proche du documentaire qui nous plonge dans les coulisses du Sentier, à Paris. Pour les amateurs de tragédies contemporaines. Plutôt réussie.

L’argument : Le quartier du Sentier à Paris. La mafia et les truands règnent en sourdine sur un microcosme où les communautés arménienne, libanaise, chinoise, pakistanaise cohabitent tant bien que mal. Vahé, déprimé depuis le départ de son amie, se prend d’affection pour son jeune frère rebelle qui tente de se soustraire au joug du réseau qui lui a permis de s’installer en France.

Notre avis : Fini la rigolade dans le quartier du Sentier, à Paris. L’heure est au règlement de compte entre communautés ! La cohabitation artificielle basée sur le veau d’or est sur le point d’éclater. Pas de quoi se marrer comme dans La vérité si je mens. La vision du cinéaste sur l’environnement dans lequel il a grandi est effectivement sombre et critique, s’éloignant de celle glorifiant la capitale touristique à laquelle le cinéma nous a habitué ces dernières années. Ce n’est pas le Paris du commerce qui est ici exposé, mais celui des ateliers clandestins où l’individu s’efface derrière un système abject. L’étranger sans papier en est réduit à vivre en marge d’une société qui se complait à ignorer son existence. Sans droits, il est tout simplement sans avenir. Les mauvais joueurs, très proche du documentaire dans sa forme et dans son approche du drame humain, nous confronte à de sales individus, des petites frappes pathétiques, la mafia chinoise, les esclavagistes des temps modernes qui bafouent l’humanité dans leur quête au profit. Bref, un microcosme antipathique à mille lieues de la tendance bobo qui fleurit actuellement sur nos écrans. En fait, le cinéaste réussit l’exploit de faire un film authentiquement parisien sans le moindre Parisien ! L’univers urbain qu’il dépeint est d’un pessimisme glaçant, parfaitement opportun au moment où l’on débat sur la Constitution européenne. A découvrir.

Le DVD


Le(s) supplément(s) à ne pas rater : Faute de mieux, le commentaire audio assuré par Frédéric Balekdjian, Pascal Elbé et Isaac Sharry est le seul bonus digne d’intérêt. Sans langue de bois, ils reviennent sur les difficultés du tournage en plein Sentier, la fragile santé d’Elbé alors malade comme un chien, les intentions du réalisateur et ses notes autobiographiques, le titre du film qui devait s’intituler à l’origine Les chiens aveugles, etc. Les acteurs se font souvent discrets au profit de Frédéric Balekdjian, intarissable en anecdotes et souvent pertinent. Le reste des suppléments ne mérite même pas un coup d’œil. Le Paris des mauvais joueurs est une compilation de scènes regroupées selon leur géographie parisienne (où est l’intérêt ?) et Une scène d’improvisation est trop isolée, trop pauvre (pas de commentaire explicatif) pour vraiment surprendre.

Image & son : Bon master avec un petit grain léger qui renforce l’aspect poisseux de l’univers que l’on découvre. Les couleurs sont justes (ternes tendance réaliste) et la dynamique bien présente. Le Dolby Digital 5.1 est d’une excellente efficacité pour un rendu de l’ambiance sonore urbaine saisissante : l’immersion est totale.