Les héritières - la critique du film

Notre avis : Un appartement sombre aux volets clos dans lequel habitent deux femmes dont on ne sait pas exactement, dans un premier temps, ce qu’elles sont l’une pour l’autre (sœurs, amies, amantes ?). On le devinera plus tard. Pour l’instant, elles se débarrassent au fur et à mesure des meubles et des bibelots qu’elles possèdent. On comprend qu’elles appartiennent à cette caste dorée longtemps choyée par la dictature en place et qui semble désormais révolue.
Avec la description d’une société en pleine métamorphose, le réalisateur, dont c’est le premier film, dénonce sans haine et avec finesse le conservatisme de ceux (ou plutôt de celles, on constate la quasi absence d’éléments masculins) qui continuent de s’accrocher à leurs richesses et privilèges. A l’inverse d’une partie de la population qui doit lutter quotidiennement pour survivre dans ce pays pauvre d’Amérique latine, Chela (Ana Brun) et Chiquita (Margarita Irun) n’ont jamais eu à se battre pour avoir un toit et de quoi manger. Mais l’histoire s’ouvre au moment où les choses changent. Elles ont dilapidé leur héritage, n’ont jamais travaillé et peinent à s’adapter à une nouvelle réalité.

Copyright 2018 Grandfilm Verlieh und Produktion

Chela a toujours été oisive. Elle sort peu de chez elle, passe ses journées à peindre dans son atelier ou à dormir mais n’imagine pas devoir se passer des services de ses domestiques. Chiquita est plus énergique. C’est elle qui gère le quotidien social et administratif. Elle ne craint pas de s’aventurer à l’extérieur au volant de la vieille voiture qu’elles ont reçue en héritage il y a déjà longtemps. C’est elle qui s’occupe de vendre leurs biens afin de renflouer leur compte en banque. C’est aussi elle qui, à la suite d’un imbroglio fiscal, se retrouve en prison. Commence alors pour Chela une vie nouvelle, au cours de laquelle elle va devoir apprendre à se débrouiller seule.
Si elle ne renonce pas totalement à sa vie antérieure de confort et de luxe, elle finit, par la force des choses, par s’ouvrir aux autres et même à y trouver une forme de plaisir inattendu. Sa rencontre avec Angy (Ana Ivanova), une jeune femme directe et surtout directement en prise avec la vie provoque en elle des sentiments troublants et lui permet de rompre avec l’inertie face à ce changement qui lui semble à la fois dangereux et fascinant.

Copyright 2018 Grandfilm Verlieh und Produktion

Car l’immobilisme constitue la principale composante de ce récit qui se déroule au rythme du quasi mutisme et de la nonchalance de son personnage principal. Cette torpeur minutieusement entretenue et renforcée par des éclairages sombres coupe court à tout élan de sympathie. Néanmoins, au delà de cette chronique intime, la finesse des propos et la qualité d’interprétation des comédiennes parviennent à nous offrir un point de vue discret mais cependant précis de la vie sociale et politique d’un pays méconnu, que la touche finale porteuse de notes d’espoir adoucit.