Les garçons du Lido - La critique

Troisième série de "garçons" pour le cinéaste Louis Dupont, qui nous invite cette fois-ci à franchir les portes du Lido. Un documentaire résolument esthétique et prenant, que les éditions Epicentre Films nous font découvrir directement en DVD.

L’argument : Andy est danseur au Lido. Chaque jour, il réalise son rêve comme Pierre Rambert, créateur de la revue Bonheur, qui perpétue l’âme de ce grand cabaret parisien. En les suivant dans leur travail, jusque dans l’intimité des loges, Louis Dupont nous ouvre les portes d’un monde encore inexploré, celui des Lido Boys Dancers.

Notre avis : Il y a des métiers qu’on choisit par défaut, et d’autres tellement fous et exigeants qu’ils requièrent une passion au-delà de la mesure et un engagement total. C’est ce qu’on ne peut s’empêcher de penser en voyant danser, à un rythme de douze représentations par semaine, Andy et les autres garçons du Lido, toujours en mouvement sous la chaleur des projecteurs et des costumes de cuir. Auteur d’odes au corps athlétique et à la virilité dévoilée, Louis Dupont prend le parti, osé mais annoncé d’entrée, de filmer l’un des plus célèbres cabarets au monde... pour y voir ce qui ne se trouve pas exactement au cœur de sa célébrité. Car le Lido, clairement, est davantage réputé pour ses pièces montées de sylphides en costumes de plume et de paillettes que pour les dance boys qui, à travail physique égal, montent essentiellement sur scène comme plat d’accompagnement. Qu’importe : les coulisses sont les mêmes pour tous, et les réjouissances comme les douleurs du métier sont partagées. Rapport au corps, à l’image de soi, esprit de la danse ; en moins d’une heure, le documentaire réussit à entraîner un dialogue certain sur des thèmes moins frivoles que la réputation « cancan » du Lido ne pourrait laisser le supposer. Alternant entre des séquences d’entretiens assez classiques et des moments chorégraphiques plus libres, souvent portés par la grâce des corps dansants, Louis Dupont tient là un rythme stable et millimétré, qui réussit à transcrire les émotions de la piste de danse.
Les mots les plus surprenants viennent peut-être du directeur artistique du Lido, un ancien show boy dévoué au monde du spectacle, et qui parvient en quelques phrases à dresser une image à la fois poétique et réaliste du métier de danseur. Un recul dû à l’expérience et à l’âge, sans doute, dont manquent parfois les boys, qui s’engagent tête baissée dans leur activité. Dans ce zoom intégral sur « les garçons du Lido », on pourra d’ailleurs regretter aussi l’absence presque totale de voix féminines qui, sans détourner le sujet principal du documentaire, auraient pu apporter un éclairage sur le fonctionnement de ce monde masculin... Reste qu’il est la plupart du temps étonnant et passionnant de suivre Andy, le « protagoniste » choisi par Louis Dupont, dans ses moments de gloire - plus rarement, ses blessures physiques et morales - ; c’est un chemin guidé par la discrétion délicate du réalisateur, qui parvient à ne quasiment rien dévoiler du parcours personnel du danseur... Un coup de projecteur qui donne au moins l’excitation de deviner les zones qu’il laisse délibérément dans l’ombre.

© Epicentre Films Editions