Le 29 mars 2020
Vincent Mariette signe ici son deuxième film, un thriller aux saveurs de « teen movie », dont la tige principale, pourtant intéressante, peine à éclore réellement à l’écran.
- Réalisateur : Vincent Mariette
- Acteurs : Laurent Lafitte, Camille Cottin, Lily-Rose Depp
- Genre : Thriller
- Nationalité : Français
- Distributeur : Diaphana Distribution
- Durée : 1h23mn
- Date télé : 11 janvier 2021 20:40
- Chaîne : OCS Choc
- Box-office : 11.662 entrées France (Première semaine) / 5.008 entrées Paris Périphérie (Première semaine)
- Titre original : Les fauves
- Date de sortie : 23 janvier 2019
Résumé : C’est l’été, dans un camping en Dordogne, des jeunes gens disparaissent. Les rumeurs les plus folles circulent, on parle d’une panthère qui rôde... Un sentiment de danger permanent au cœur duquel s’épanouit Laura, 17 ans. La rencontre avec Paul, un écrivain aussi attirant qu’inquiétant, la bouleverse. Une relation ambigüe se noue. Jusqu’à ce qu’un prétendant de Laura disparaisse à son tour et qu’une étrange policière entre dans la danse…
- Photo © Camille Dechenay
Notre avis : Cela démarre comme l’aurait fait un film slasher américain. Nuit noire, pleine lune et forêt sombre. Un long travelling avant montre des jeunes en train de s’embrasser. Ils sont interrompus par des rugissements terrifiants. Paniqués, tous décident de fuir. Le lendemain, au camping, la lumière du jour apporte une sérénité retrouvée sans toute fois estomper la peur de la veille. Avec un titre comme Les Fauves, le spectateur, pouvait donc s’attendre à une traque entre ces jeunes et la mystérieuse bête. Légèrement plus tard, la soirée autour du feu, alcools et mythes d’horreurs dans la tête, ne faisait qu’étayer ce point de vue. Jusque là, rien d’original. Pourtant, en filmant la fascination de Laura, jusqu’alors insensible, pour cette légendaire panthère, Vincent Mariette donne à son film une tournure intéressante. Il quitte la route de l’horreur pour aller sur le chemin de la croyance, du questionnement amoureux et de la quête d’identité.
- © Carole Bethuel - Kazak Productions
À travers sa relation ambiguë avec Paul, semi-mentor, semi-fantasme d’adolescente, Laura se crée, peu à peu, un passage vers l’âge adulte. Une étape ambivalente de la vie, selon le récit, où l’on détruit pour se construire, comme l’on couperait les roses fanées pour mieux qu’elles repoussent. Ainsi, Laura n’hésite pas, toujours au côté de son mentor, à achever un sanglier endormi pour combattre ses peurs, à se construire une idylle pour tenter d’effacer sa virginité ou même de tuer un cheval pour construire un mythe. Si Laura, interprétée justement par Lily Rose Depp, paraît, en soi, si troublante, si « bizarre », c’est qu’elle est constamment dans un entre-deux-mondes chaotiques, proche d’ « une morte vivante » selon les termes de Paul pour la qualifier. L’importance accordée aux mythes et aux éclairages parfois irréels, comme ce ciel rouge apocalyptique, amène le film au bord du fantastique, comme métaphore de la traversée identitaire de Laura. Une bonne idée sur papier, qui semble brûler, une fois à l’écran.
- Photo © Camille Dechenay - Kazak Productions
En effet, la mise en scène, trop explicite, pèche en préférant l’esthétique à la subtilité. Ainsi, pour connoter le danger, de grands éclairs et une pluie torrentielle sont utilisés lorsque la panthère apparaît. Beau mais fastidieux, tant la panthère, symbole, à la fois, du risque et de l’amour charnel, est une image fauve devenue kitsch ces dernières années. Nombre de publicités de parfums, Cartier en tête de gondole, en passant par le dernier film de Nicolas Winding Refn, The Neon Demon, l’ont reprise.
Influencé par les œuvres d’auteurs majeurs - Refn, Malick, Weerasethakul-, le film devient comme lisse, faute de pouvoir ajouter la patte d’un auteur. Esthétique en surface, creux en profondeur. En ce sens, les personnages secondaires de la policière (Camille Cottin) et de Paul (Laurent Lafitte), en sont les meilleurs représentants. Trop peu travaillés et façonnés par des répliques simplistes, ils en deviennent proches du cliché. Une policière badass, cigarette à la main, griffure à l’œil, qui disparaît, apparaît, quand elle veut. Un écrivain étrange, peu bavard, dont on ne comprendra jamais les sautes d’humeur à l’égard de Laura, hormis la volonté, ratée, d’instaurer une tension dans leur relation. C’est ainsi, après avoir appris la tentative de suicide de Laura, sans motivations apparentes, que Paul emploiera l’expression de « morte-vivante ». À cet instant, l’éclairage verdâtre de sa lampe rayonne sur le visage de l’adolescente, regardant vers le haut, légèrement apeurée. Le zombie est effectivement pas loin. Dommage de l’appuyer ainsi par la parole.
- Photo de Carole Bethuel - Copyright : Kazak Productions
Par son manque de mystère dans la mise en scène, le film souffre donc de ne pas donner le temps au spectateur de se laisser porter. Même la musique, bien que prenante, semble nous dicter constamment nos émotions. Stridente, dans les moments inquiétants, festive, dans les moments plus joyeux, elle fonctionne, à la longue, comme un nappage écœurant. Au final, malgré une idée audacieuse, une photographie très soignée et de beaux contrastes de lumière, il est difficile d’être hypnotisé par cette mise en scène de rembourrage qui étouffe le spectateur. Aussi agaçant que les rires des sitcom.
Photo © Camille Dechenay
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Michel 4 février 2019
Les fauves (2019) - Vincent Mariette - critique
Ne pensez-vous pas que c’est plutôt la sur-dramatisation, une tendance clair de la deuxième moitie de cette décennie, qui a trop influencer Vincent Mariette et l’a pousser au trans-genre ?
Lorsque l’on compare a sa première réalisation, on voit bien la tentative de sortir de sa zone de confiance pour se rapprocher des poids lourds du cinéma américains dont il est fan.
Galaad 4 février 2019
Les fauves (2019) - Vincent Mariette - critique
Bonsoir Michel,
À vrai dire je n’ai malheureusement pas vu le premier film de Vincent Mariette mais votre théorie a du sens. D’une certaine manière, cela peut se raccrocher à cette mise en scène "de rembourrage" dont je parle dans ma critique. Cette idée de toujours vouloir en rajouter un peu plus et donc effectivement, de sur-dramatiser, comme vous le dites justement.
Galaad.