Film de (notre) époque
Le 31 janvier 2012
Le Prix Jean Vigo 2011 sort en salles. A mille lieues du bled ou de l’usine de triage, le nouveau film d’Ameur-Zaimeche reste pourtant actuel. Un voyage surprenant.
- Réalisateur : Rabah Ameur-Zaimeche
- Acteurs : Rabah Ameur-Zaimeche, Jacques Nolot, Jean-Luc nancy
- Genre : Aventures
- Nationalité : Français
- Durée : 1h37mn
- Date de sortie : 25 janvier 2012
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Le Prix Jean Vigo 2011 sort en salles. A mille lieues du bled ou de l’usine de triage, le nouveau film d’Ameur-Zaimeche reste pourtant actuel. Un voyage surprenant.
L’argument : Après l’exécution de Louis Mandrin, célèbre hors-la-loi et héros populaire du milieu du XVIIIème siècle, ses compagnons risquent l’aventure d’une nouvelle campagne de contrebande dans les provinces de France. Sous la protection de leurs armes, les contrebandiers organisent aux abords des villages des marchés sauvages où ils vendent tabac, étoffes et produits précieux. Ils écrivent des chants en l’honneur de Mandrin, les impriment et les distribuent aux paysans du royaume...
Notre avis : C’est une maladie chronique qui atteint parfois les cinéastes talentueux, au bout de quelques films : ils ne parviennent plus à nous surprendre, et à se surprendre eux-mêmes. Alors quand l’inverse se produit, c’est qu’il y a encore de l’excitation, de l’attente ; et le geste suivant n’est pas là où on l’attend. Raba Ameur-Zaimeche avait frappé un grand coup avec Dernier maquis : sens du rythme et de la parole ample, coup d’œil pour le signe visuel qui fait sens, bien au-delà de son apparence quotidienne. Les chants de Mandrin n’est pas, à première vue, du tout placé là où l’on s’y attend. De l’usine de triage de palettes, on passe au plein-air du Midi, au beau milieu du XVIIIème siècle. Pourtant, le saut est loin d’être absurde. Avec un œil aiguisé, le cinéaste brosse une société de privilèges, une société qui ressemble à un état de fait, et qu’une bande de trouble-fêtes tente, à leur petite échelle, de faire voler en éclats, en recréant leur propre idéal de communauté. C’est en creux que les nobles et les autorités étatiques dominent ; ils ne sont présents que par faibles signes et messagers fantoches. La vie, la vraie, se vit avec les contrebandiers, qui mangent, dansent, partagent le gibier au coin du feu et s’entraident en toutes circonstances. Le réalisateur est trop malin pour trancher la question de savoir si cette communauté est réelle ou non, si elle parviendra à durer plus longtemps qu’une soirée par-delà les barricades : l’essentiel est de nous faire goûter à sa tangibilité.
La grande joie du film consiste à voir Ameur-Zaimeche faire voler en éclats les conventions du film historique, moins par l’anachronisme voyant qu’en se débarrassant des us et coutumes du genre – ce qui permet également au cinéaste largement autoproduit de se servir de la contrainte économique… On jure dans un langage contemporain, la nature sauvage suffit à suggérer certains décors historiques, et les origines ethniques se mélangent, sans que l’on ait besoin de les « justifier » biographiquement pour chaque personnage. Rabah Ameur-Zaimeche et Christian Milia-Darmezin sont d’ailleurs les acteurs les plus précieux de la distribution, tant ils voltigent entre registre « XVIIIème » et jeu moderne, à tel point que c’est Jacques Nolot qui détonne un peu dans ce paysage d’acteurs à l’interprétation plus directe et tranchante que la sienne. Les chants de Mandrin est travaillé par cette contradiction entre ces morceaux « bruts », familiers du style de récit d’Ameur-Zaimeche, et les restes d’une mauvaise volonté, celle de « faire vrai » malgré tout. Des images, des sentences demeurent ; pourtant, on ne peut s’empêcher de regretter que la radicalité du geste n’ait pas été portée à son point d’acmé. Et on attend la prochaine (et nécessaire) surprise.
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