Le 12 décembre 2023
Filmé comme un roman, Légua constitue une merveilleuse élégie, sensible et authentique, sur l’instant présent, le passage des ans et le devoir d’amour.
- Réalisateurs : João Miller Guerra - Filipa Reis
- Acteurs : Carla Maciel , Fátima Soares, Vitória Nogueira da Silva, Sara Machado
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien, Portugais
- Distributeur : Norte Distribution
- Durée : 1h59mn
- Date de sortie : 13 décembre 2023
- Festival : Festival de Cannes 2023
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Résumé : Dans un vieux manoir situé au nord du Portugal, Ana aide Emília, la vieille gouvernante qui continue de prendre soin d’une demeure où les propriétaires ne se rendent plus. Au fil des saisons, Mónica, la fille d’Ana, remet en question les choix de sa mère, et ces trois générations de femmes tentent de comprendre leur place dans un monde en déclin, où le cycle de la vie ne se renouvelle qu’après d’inévitables fins.
Critique : Ana travaille depuis des années aux côtés d’Emília, dans une maison bourgeoise que les propriétaires n’habitent plus. Le quotidien se répète jour après jour, avec le repassage du linge, l’installation des lits, la cuisine, les courses, et en contrebas de la maison, la nature tranquille qui illumine le passage du temps. Légua prend le parti d’un film contemplatif où la part belle est donnée aux objets du quotidien et aux personnes simples qui les habitent. Là où les hommes rêvent de l’opulence en France, les jeunes trompent l’ennui avec des fêtes impromptues, les femmes peuplent leur existence avec une attention particulière aux gestes de tous les jours. Car la vraie vie, dirait Rimbaud, ne s’invente pas dans l’ailleurs. Elle se récite dans la succession des jours, le lien invisible qui se tisse entre les gens, et le désir de terre.
- Copyright Norte Distribution
L’intensité narrative se centre sur la survenue de la maladie. Les projets d’Ana sont arrêtés par la révélation d’un cancer des os qui ronge la vieille Emília. La couleur du film offre au récit une portée atemporelle, jusqu’aux mobiliers de la maison, le dépouillement de la ferme qui semblent figés dans un passé lointain. Parfois, l’apparition d’un objet numérique ramène la fiction dans une période proche de celle du spectateur. Mais la poésie du quotidien, la beauté de la relation entre Ana et Emília de plus en plus gagnée par l’imminence de sa disparition, rattrapent toute velléité de la part des réalisateurs à mettre en scène une œuvre contemporaine, préférant à l’agitation, la langue feutrée d’un roman classique. Certaines scènes ne manquent pas d’humour, comme celle où Ana donne à sa protégée la possibilité de prendre un thé dans la vaisselle magnifique des patrons et de goûter à des pâtisseries en forme de sexe masculin. La beauté de leur relation traverse tout le récit, avec en ligne de mire, une attention formidable au vieillissement et au devoir de fidélité et d’amour qui devrait nous lier avec les personnes âgées.
- Copyright Norte Distribution
Mais João Miller Guerra et Filipa Reis se refusent à faire un film moraliste. La perte de dépendance, la faillite du corps dans le vieillissement et la maladie occupent certes une place prégnante dans le récit. Mais l’enjeu des réalisateurs n’est jamais de provoquer la compassion ou la culpabilité. Ils témoignent à notre époque des conflits de génération, des perceptions du monde qui s’opposent, mais aussi du goût pour les belles choses, pour la terre, et le sens de la vie qui naît de l’attention que chacun veut bien donner aux merveilles du quotidien, ainsi que les uns pour les autres. Bien sûr, cet enclos de tendresse et de sérénité ne manque pas de s’ébranler dans la deuxième partie du film. Le roman alors s’emporte dans le drame, pourtant à chaque fois allégé et nuancé par des incises quasi contemplatives. La dimension picturale est fondamentale dans ce récit attachant et authentique qui se regarde comme un bon livre de Maupassant, George Sand ou Colette.
- Copyright Norte Distribution
Légua est une magnifique pépite de cinéma, injustement ignorée des récompenses cannoises. À bas bruit, le long-métrage raconte la vie dans ce qu’elle a de plus important, de plus indispensable, à travers les gestes a priori anodins d’une femme qui accompagne une vieille dame à l’issue de son passage sur terre.
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