Léger tremblement du paysage - La critique

Décalé, original, absurde, autant de qualificatifs qui conviendraient pour décrire l’insolite Léger tremblement du paysage.

L’argument : Un petit village moderne, à l’architecture géométrique et à la végétation tout aussi ordonnée. Une petite communauté humaine y vit tranquillement, à l’époque des premiers pas de la conquête spatiale. Ceci nourrit l’imaginaire et les jeux de deux enfants qui gravitent autour d’une poignée de personnages vaquant à leurs obsessions personnelles : un peintre amoureux des nuages, une chercheuse en morphogenèse végétale, un pilote amateur féru de réglages et son mécanicien autiste.

Notre avis : « Alors, vous allez regarder ce film, vous allez essayer de le comprendre et de vous en souvenir » sont les premiers mots, sur fond noir, que l’on peut entendre dans Léger tremblement du paysage. Le ton est donné dès les premiers instants, l’œuvre de Philippe Fernandez sera résolument à contre-courant, abracadabrantesque même. Cette première séquence est en réalité un métafilm et nous assistons, en même temps que les enfants d’une classe, à la projection d’un court métrage expérimental inspiré des œuvres expressionnistes de Viking Eggeling et Hans Richter dans lesquelles des formes géométriques constituent en elles-mêmes une autre perception du monde : il est essentiellement question d’expérimentation, d’audace, de questionnements tout au long de ce singulier long-métrage.

© Contre Allée Distribution

Le décor est vite planté, dans une cité hors du temps et de toute réalité perceptible, à l’architecture clairement inspirée par Le Corbusier. Tout est sous contrôle, les formes et la matière apparaissent comme la logique de cette existence. Il n’est donc pas anodin que le cinéaste ait choisi de mettre en scène un artiste plasticien, figure emphatique du cinéaste, ne cessant de réinventer sans cesse la même toile. Le vieil homme est dans un état de perpétuel recommencement ; sa personnalité et sa démarche incarnent l’état de l’évolution continuelle de l’univers. Cette mise en question de la nature du monde et de l’existence humaine est au cœur de la réflexion menée dans Léger tremblement du paysage. Un sujet scientifique empli d’interrogations philosophiques, d’où la multiplicité des doubles sens possibles dans l’interprétation des images (simples en apparence comme les courses de voiture, mais qui dévoilent des possibilités de compréhension multiples : le conducteur cherche à contrôler la vitesse du véhicule). Néanmoins, point de lourdeurs métaphoriques ; Philippe Fernandez prend soin de contrebalancer la thématique ardue qu’il déploie par une légèreté ambiante et un humour frappé au coin du bon sens.

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Les différents personnages participent également à cette mise à distance du sujet ; ils ne sont jamais présentés en gros plan. La musique est par ailleurs quasiment absente. Le cinéaste laisse ainsi au spectateur sa liberté émotionnelle. Les sentiments ressentis ne sont liés qu’à l’adhésion (ou non) au sujet, à l’interférence de réflexions personnelles avec celle des héros. C’est exactement là que se situe la subtilité de ce long-métrage car les protagonistes rêvent de l’espace, cherchent l’Ailleurs, l’Infini et créent donc une distance d’avec le monde qu’ils connaissent. Mais, par le biais même de cette quête, c’est Autrui qu’ils attendent. La quête de liens fédérateurs est en fin de compte une quête d’Absolu et de réalisation de soi. Étrange, mais somme toute réaliste, Léger tremblement du paysage se présente donc comme une œuvre plus intentionnelle que concrète, surprenante par son esprit léger et son propos grave.

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