Leçon de classes - la critique du film

Notre avis : Jan Hrebejk est l’un des réalisateurs les plus prolifiques et les plus populaires de la République Tchèque. En 2000, son film Divided We Fall fut nommé pour l’Oscar du Meilleur film étranger. C’est au lycée qu’il rencontra Petr Jarchovsky, son futur collaborateur et scénariste qui s’inspire ici d’une histoire vraie vécue par sa famille dans les années soixante-dix et lui permet d’aborder une nouvelle fois ses thèmes de prédilection que sont la peur, l’opportunisme et la dignité humaine. Si l’action bénéficie du cadre corrompu de l’ère communiste propre aux pays de l’Europe de l’Est de l’après-guerre, c’est avant tout un récit intemporel que le réalisateur souhaite nous livrer, mettant en lumière les dilemmes moraux de cette époque mais aussi ceux qui restent universels à l’homme.

Copyright Karma Films

Le film s’ouvre sur une scène de rentrée scolaire du milieu des années 80 dans le cadre d’une salle de classe sombre et désuète dont seuls les décors communistes ont le secret. Chaque élève se doit de décliner son identité et surtout la profession de chacun de ses parents permettant ainsi à la professeure de noter immédiatement quels services ou cadeaux elle peut espérer recevoir des uns et des autres. Les plans suivants se consacrent à l’arrivée des adultes dans le même lieu. Il ne s’agit pas de débattre du travail des enfants mais bien de statuer sur le sort d’un membre de l’école à l’attitude plus que contestable. De qui s’agit-il ? Quel forfait a donc été commis ? Quelles en sont les victimes ? Des allers et retours savamment orchestrés entre passé et présent maintiennent le suspense et ne lèvent que petit à petit le voile sur ce qui prend des airs de polar pour se terminer en drame humain et social après être passé par des épisodes de farce au goût amer. Cet astucieux mélange des genres nous réjouit d’une réflexion aigre-douce sur la capacité de l’être humain à se soumettre aux manipulations en tous genres. Le huis-clos permanent entre la salle de classe et les appartements des différents protagonistes accentue encore le confinement oppressant propre à la naissance, puis au développement des tensions entre ceux qui ont la volonté d’affronter le mal et le courage de s’opposer à l’injustice et ceux qui préfèrent courber le dos dans le seul but de préserver leurs privilèges.

Copyright Karma Films

Il faut dire qu’elle sait être convaincante, cette enseignante sans scrupules. Son visage rond et avenant auquel l’excellente Zuzana Mauréry prête ses traits, son éternel sourire vissé aux lèvres, ses paroles bienveillantes et son sens de l’écoute lui permettent de se transformer aux yeux de certains en un personnage chaleureux et compréhensif. Se réfugiant derrière son statut de parfaite « camarade » au service d’une idéologie à laquelle son pays la contraint de se plier, elle s’autorise sans le moindre remord à abuser d’un système de faveurs et de services détourné à son seul profit. S’appuyant sur des comédiens dont l’authenticité crève l’écran et un récit à échelle humaine, Leçon de classes aborde avec finesse le thème de la force et des valeurs de la nature humaine. La fin, implacable et symbolisée par le cheminement d’une paire de chaussures martelant le sol sans coup férir, nous rappelle que si les époques passent (la narration se termine en 1992, donc après la chute du communisme), les archétypes humains demeurent. Des histoires similaires existent encore partout dans le monde. Comme hier et comme demain. La magie du cinéma nous offre l’occasion d’en sourire. Ne nous en privons pas !