Le voyage de Marta - la critique du film

Notre avis Le mot Voyage est sans doute abusif. Abusif car en vérité, cette jeune fille qui partage des vacances avec son frère et son père au Sénégal, dort dans un hôtel réservé à des touristes européens, avec ses sorties quotidiennes dans des villages africains ou des safaris, sa piscine et son restaurant. Cette jeune fille, qui refuse d’être assimilée à la masse béate de touristes, parvient à se lier avec des membres du personnel, qui lui offrent la possibilité d’appréhender la culture africaine depuis les autochtones eux-mêmes. Il faut dire qu’elle est bien aidée par un père aussi lourdaud et grotesque qu’elle est sensible et mesurée, lequel se vautre sans retenue dans tous les travers et les facilités du touriste type. Ce couple met en scène, sans véritable nuance, la subtilité contre la grossièreté, la vérité contre l’aveuglement, même si très vite le spectateur pressent que Marta elle-même se fait manipuler par un modèle culturel où elle se juge plus libre et ouverte que ses compatriotes espagnols et français.

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Neus Ballús, dont c’est la seconde réalisation, choisit de mêler les points de vue, en recourant alternativement aux vidéos tournées par le jeune Africain que Marta rencontre, et aux images du film lui-même. Cette volonté de forcer la réalité ne fonctionne pas vraiment, d’une part parce que l’effet a déjà été abondamment utilisé au cinéma, et d’autre part parce qu’il renforce les antagonismes entre les cultures. A cela s’ajoutent des choix de mise en scène assez redondants, comme les séquences de danse dans une boîte de nuit ou les promenades en scooter à travers la ville sénégalaise. La vraisemblance même du propos est mise en doute, là où la réalisatrice tente de condamner les postures occidentalo-centristes des touristes, en faisant endosser au personnel de l’hôtel un rôle à la limite de la faute professionnelle.

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Le voyage de Marta est indiscutablement un récit d’initiation et d’émancipation. L’adolescente tente de montrer à son père qu’elle peut devenir une adulte libre et assurée dans la vie ; ce dernier, au contraire, essaye de la protéger de ce qu’il pressent au Sénégal comme un ensemble de risques et de mensonges. Les contraires se renforcent, même si l’on sait, dès les premières séquences, que les deux modèles devront évoluer pour aborder la réalité avec un regard plus nuancé. En vérité, les personnages ne se rencontrent jamais vraiment. La mise en scène souffre sans doute d’une écriture assez maladroite, qui empêche l’émotion et retient les comédiens en deçà de leurs compétences. Mais l’ambition, la combativité de la réalisatrice sont indéniables. Et en cela, nous attendrons le prochain long métrage de la cinéaste qui, avec des moyens plus importants et une expérience plus affirmée, saura donner corps à sa vision du monde généreuse et humaniste.

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