Le 26 juin 2023
Une page d’Histoire qui, entre réalité et fiction, s’intéresse aux relations entre Paul Deschanel, président progressiste au mandat écourté, et Georges Clémenceau, surnommé Père la victoire à l’issue de la Première Guerre mondiale et fervent défenseur du traité de Versailles.
- Réalisateur : Jean-Marc Peyrefitte
- Acteurs : André Dussollier, Anna Mouglalis, Jacques Gamblin, Patrick d’Assumçao, Lola Naymark, Laura Benson, Christian Hecq, Maxime d’Aboville
- Genre : Comédie, Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Tandem
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 9 décembre 2023 20:50
- Chaîne : Ciné+ Premier
- Date de sortie : 7 septembre 2022
- Festival : Festival du Film Francophone d’Angoulême 2022
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Résumé : 1920, les Années folles. Georges Clemenceau vient de perdre l’élection présidentielle face à l’inconnu Paul Deschanel, un idéaliste qui veut changer le pays. Mais un soir ce dernier tombe d’un train et se volatilise. Au petit matin, la France cherche son président, une occasion en or pour le Tigre Clemenceau...
Critique : L’Histoire ne garde en mémoire que la destinée des grands de ce monde et balaie d’un revers de main méprisant les plus avant-gardistes, les plus rêveurs et tous ceux qui ne rentrent pas dans la norme. Ainsi pour beaucoup de ses concitoyens, Paul Deschanel décrit comme sensible et émotif, tombé d’un train dans la nuit du 23 au 24 mai 1920 alors qu’il était président de la République depuis le 17 janvier de la même année, reste le « président fou ».
Passionné d’Histoire de France et bercé par les récits historiques de ses parents, Jean-Marc Peyrefitte consacre son premier long-métrage à cet homme politique méconnu, dont le mandat n’a duré que quelques mois alors qu’il regorgeait de beaux projets en avance sur son temps. S’inscrivant dans la plus pure tradition du roman historique qui s’appuie sur des faits avérés auxquels se mêlent les éléments de fiction, le récit s’attache à raccorder la petite histoire dans la grande Histoire.
En janvier 1920, à la surprise générale, Paul Deschanel, journaliste et écrivain, président de la Chambre, est choisi par les députés et les sénateurs (le suffrage universel direct ne verra le jour qu’en 1965 sous la Ve République) pour accéder à la plus haute fonction de l’État contre Georges Clémenceau, pourtant donné grand vainqueur, lui le patriote qui rendit l’Alsace et la Lorraine à la France le 11 novembre 1918. Hier autant qu’aujourd’hui, les clivages entre oppositions d’État ont rythmé la vie politique et inspiré le cinéma. La vivacité de l’affrontement Deschanel /Clémenceau en est la preuve, tout en offrant une vision bien précise de la vie politique de l’époque.
- Copyright Tandem
Poète visionnaire, Paul Deschanel veut le meilleur pour son peuple. Il fourmille de projets : le vote des femmes, l’abolition de la peine de mort, un système éducatif fort, la mise en place du suffrage universel direct. Il envisage même la mise en place d’un revenu universel et de prestations sociales. Un progressisme bien en avance sur son temps qui lui vaut les sarcasmes d’un Clémenceau conservateur, méprisant et revanchard, arc-bouté sur ce fameux traité de Versailles destiné à faire plier l’Allemagne et dont Deschanel conteste l’utilité, arguant qu’il ne fera qu’humilier le pays vaincu et attiser la haine entre les deux nations. Ne manquant pas de courage, notre doux rêveur apprend à s’affirmer et à faire preuve d’autorité jusqu’à ce qu’un beau matin, un garde-barrière récupère un homme en pyjama qui prétend être le président de la République (il sera pris pour un fou par son bienveillant sauveteur) à l’heure où tous les journaux claironnent la disparition du chef de l’État. Une occasion inespérée pour le Tigre Clémenceau, parfaitement rompu aux manœuvres politiciennes, de ne faire qu’une bouchée de cet agneau égaré.
Amateur de burlesque, Peyreffite épaulé par le scénariste Gérard Syrigas, nous entraîne dans un conte fantasque où, sans souci d’impartialité, le frêle Deschanel (Jacques Gamblin) tient le rôle du bon, et l’implacable Clémenceau (André Dussollier) celui de la brute. Quant au mielleux Millerand (Christian Hecq), qui prendra la succession de Deschanel, il n’est pas loin de pouvoir endosser la panoplie du truand. Sans doute la vérité historique est-elle ailleurs. Mais le propos est ici d’extirper la part fictionnelle d’un événement atypique qui a suscité maints écrits parfois contradictoires pour en faire une comédie ludique, accessible à tous. Vu sous cet angle, la réussite est totale.
- Copyright Tandem
Dans un décor d’apparat qu’une mise en scène ample débarrasse de toute solennité, les deux ennemis se mesurent dans un duel fleurant bon l’élégance et l’allégorie grâce à des dialogues finement élaborés où la grandiloquence de l’un ricoche sur le dogmatisme de l’autre. Les images d’archives mêlées aux apports scénaristiques éclairent d’une grandeur singulière la richesse et la profondeur des personnages, tout particulièrement lors de la dernière scène, révélatrice de toute la complexité de ce vieux briscard de la politique qu’est Clémenceau. Mais cette fresque historique, à mi-chemin entre drame et comédie, n’aurait pas le même relief sur la force de conviction de ses interprètes. Le duo Dussollier/Gamblin s’approprie ces caractères contrastés avec un plaisir qu’il n’a aucun mal à nous faire partager. Christian Hecq n’est pas en reste, lui qui, avec malice, rend supportable et presque sympathique cet arriviste de Millerand, à l’affût de toutes les compromissions. Ariane, la prostituée à qui Anna Mouglalis prête son raffinement, à la fois voix du peuple et oreille attentive aux tourments politiciens, accueille avec le même dévouement l’une et l’autre de ces sommités pour les ramener à leur condition d’homme tout simplement.
Une épopée plus humaine que politique qui pourrait redonner le goût de l’Histoire à ceux qui l’avaient perdu.
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