Chef-d’œuvre sacré
Le 16 mai 2006
Le grand roman du racisme. Foisonnant, fascinant, inoubliable.
- Auteur : Richard Powers
- Editeur : Le Cherche-Midi
- Genre : Roman & fiction
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C’est un soulagement que de tourner la dernière page du roman de Richard Powers : il existe encore des grands romans fascinants et inoubliables, capables de laisser une empreinte indélébile dans le monde la littérature.
Peut-on élever ses enfants en dehors de toute considération de race lorsqu’ils sont issus d’un couple métissé ? Quelle est cette folie qui pousse des parents à croire que leur progéniture pourra s’affranchir de son origine ethnique et grandir au-delà de sa couleur de peau ? Comment concevoir cette arrogance qui place la famille au-dessus de tout le reste et prône comme valeur fondamentale la stricte volonté des individus à faire d’eux ce qu’ils veulent ? Centré sur le racisme et la construction de l’identité, Le temps où nous chantions aborde ces questions en 770 pages prodigieuses et poignantes. Avec Richard Powers, le terme de chef-d’œuvre prend tout son sens, tant son roman est monumental et sublime.
Balayant plus de soixante ans d’histoire, Powers dresse un panorama des Etats-Unis, depuis 1939 jusqu’aux années 90. Dans le monde, 1939 voit bien sûr le début de la guerre et l’intensification des persécutions contre les juifs en Europe. L’Amérique elle, est aux prise avec la ségrégation envers les Noirs. C’est dans ce contexte tumultueux que vont se rencontrer David Strom, physicien juif exilé, et Delia Daley, jeune femme noire américaine. Ce jour de Pâques 1939, ils assistent au concert de Marian Anderson, la grande contralto noire, à Washington. Marquée du sceau de la tolérance, cette journée est aussi celle du début de leur amour. De cette union naîtront trois enfants à qui ils voudront tout donner et peut-être trop. Aux yeux des deux communautés, ils sont coupables du plus grand des péchés : éduquer leurs enfants dans le culte absolu de l’art, de la musique et du déni de l’identité, en ignorant la violence environnante. Leur crime, bercer ces enfants de ce qu’aucuns jugent comme illusion : "Vous serez qui vous voudrez." Confrontés au monde extérieur, chaque enfant réagit avec ses armes : Jonah, ténor à la voix exceptionnel, Joseph, pianiste virtuose dans l’ombre de son frère et Ruth, la petite dernière, plus radicale et membre des Black Panthers.
S’affranchissant de la chronologie des événements - il nous balade sans cesse entre 1939 et 1990 -, Richard Powers dresse rien de moins qu’une Histoire de l’identité raciale de l’Amérique. En un sens, il a tout simplement écrit le roman sur les problèmes raciaux aux Etats-Unis, une évidence pour celui qui considère que "le racisme est la question centrale de ce pays". De la même trempe qu’un Jim Harrison, qu’un Philip Roth ou qu’un Garcia Marquez, Richard Powers maîtrise une écriture incroyablement dense et d’une puissance rare. Débarrassée de toute fioriture stylistique, sa prose tend vers la perfection tant elle est pure et éblouissante : Le temps où nous chantions est un roman immortel, au-delà de la littérature.
Richard Powers, Le temps où nous chantions (The time of our singing, traduit de l’américain par Nicolas Richard), Le Cherche-Midi, 2006, 770 pages, 24 €
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